Confidences d’une dermatologue

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    Confidences d’une dermatologue

    Fischer F.

    Fischer F., (2021), Confidences d’une dermatologue, Paris : Robert Laffont, 204 p., ISBN : 2221238702

    Compte rendu de Stéphane Héas

    Sociologue, Professeur des universités en STAPS, Université de Rennes 2

    Référence électronique

    Héas S., (2023), « Confidences d’une dermatologue », La Peaulogie 10, mis en ligne le 28 octobre 2023, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/confidence-dermatologue

    Ce livre est composé de quinze chapitres dont les titres courts sont explicites : « L’apprenti médecin », « La galerie des horreurs dermatologiques », « C’est grave docteur ? »… Il retrace l’expérience professionnelle de Flora Fischer, depuis ses études de médecine jusqu’à son activité libérale « en ville ». Le ton est enjoué et non dénué d’humour carabin : « Freud encore et toujours t’habite » (p. 61), « étrange cette débandade matinale » (p. 114), etc.

    Comme l’annonce le titre, l’autrice n’hésite pas à exposer ses expériences, ses opinions, et des éléments intimes liés à elle‑même ou des membres de sa famille. Cette écriture personnalisée facilite l’identification du lecteur ou de la lectrice. Le déroulement des chapitres permet de suivre son itinéraire avec ses satisfactions, ses difficultés, voire ses erreurs professionnelles. En effet, F. Fischer n’hésite pas à partager en toute proximité ses expériences personnelles (sa cicatrice suite à une appendicite avec péritonite, les taches de rousseur de sa mamie dont elle se sent proche par cette caractéristique épidermique…) et professionnelles (ses réussites, ses maladresses, voire ses erreurs de diagnostic). Elle précise ainsi la forte valeur ajoutée symbolique, parfois insoupçonnée, de la peau, de sa propre peau : « je n’adore pas mes taches de rousseur, mais elles me viennent de ma mamie Rushla. Courageusement, elle avait su sauver toute sa famille. Elle incarne à mes yeux la résistance absolue, et arborer l’héritage de cette héroïne est un hommage » (p. 81).

    L’un des leitmotivs de l’ouvrage rappelle que les médecins font bloc contre la maladie et non contre la ou le malade. Le corporatisme empreint de confraternité et de solidarité n’est pas refermé sur lui‑même malgré la forte autarcie lors des longues études notamment. L’autrice indique aussi la difficulté du travail libéral qui laisse davantage le médecin en situation duelle, le fameux colloque singulier. La collectivité des décisions est moins à l’œuvre, les succès et échecs peuvent alors paraître davantage personnalisés. Les passages sur la pudeur sont élégamment écrits où la dermatologue tente de préserver la pudeur du patient, et par ricochet sans doute la sienne propre : « la pudeur est mise à mal à l’hôpital et dans nos cabinets. Heureusement, nous usons du tact dermatologique, nous prenons des gants » (p. 49). Ne s’agissant pas d’un livre strictement de facture scientifique, les références aux auteurs ne sont pas systématiques à chaque phrase, ni pléthores ; citons Diderot, Freud ou Jankélévitch à propos de la mort et Nietzsche (p. 107) lorsqu’il s’agit d’évoquer le « mourir au bon moment » ou bien Orwell (p. 112) et le souhait humain de « rester vivant ». L’autrice démontre une attention empathique soulignant combien il est « stressant d’être patient » surtout dans le « milieu médical (qui constitue) une nébuleuse impraticable » (p. 169).

    Ce livre permettra aux non spécialistes de vivre par procuration un peu de la vie d’une professionnelle du soin et ses expériences variées des maladies de peau. Des exemples de consultations sont relatées pour un zona, un eczéma ou un vitiligo. Par exemple, « les préservatifs aromatisés et les lubrifiants parfumés occasionnent des eczémas de contact, avec un grattage parfois féroce et un œdème, et parfois des bulles (cloques) » (p. 64). Des cas cliniques évoquent aussi les liens systémiques entre la peau et d’autres organes. Les atteintes dermatologiques sont parfois liées à d’autres dérèglements organiques : « De simples papules peuvent cacher une maladie grave. «  J’ai des zones en creux sans cheveux sur la tête. J’en ai trois autres sur le front et les pommettes qui viennent d’apparaître », se plaignait cette jeune femme trentenaire (…) elle avait également des douleurs des poignets, surtout le matin tôt, et elle était épuisée. La biopsie d’une de ses lésions dermatologiques a confirmé la suspicion de lupus cutané » (p. 87). Parfois, elles peuvent impacter lourdement la vie quotidienne des personnes concernées. Les préoccupations, voire les angoisses, des patients sont accueillies par cette professionnelle devant l’évolution d’une plaie, d’un bouton ou d’une tache. Les inquiétudes et les motifs de consultation sont aussi fonction de la zone de peau atteinte. F. Fischer rappelle avec humour et rime pour les dédramatiser les situations liées aux atteintes des muqueuses, notamment génitales : « ce n’est parce que le bout pèle que le ou la partenaire est infidèle » (p. 61). Ou bien, cette situation gênante pour le moins : «  ”Docteur, je me gratte de partout, même entre les doigts et sur les couilles. La nuit, je ne dors même plus, je deviens fou.” Mais son inquiétude portait surtout sur les boutons croûteux apparus sur son sexe. Il s’imaginait atteint d’une malédiction dévorante, je l’ai rassuré. Très surpris, il croyait la gale disparue ou exceptionnelle, telle la peste noire » (p. 72). Les consultations à l’issue dramatique ne sont pas esquivées. La dermatologue prononce aussi des diagnostics‑sentences de mort, parfois lors d’une consultation annuelle habituelle. Elle rappelle ainsi les dangers liés à des atteintes dermiques tels les mélanomes malins. La peau devient signalement de mauvais augures. Cette variété des situations rencontrées constitue la vie professionnelle d’un·e dermatologue aujourd’hui en France, ce livre permet de la préciser d’une manière légère sans pathos, ni commisération.