Le tatouage remarqué par le droit. Le statut juridique et fiscal du tatoueur

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  • Description

    Ophélie DANTIL

    Avocat spécialiste en droit fiscal. Membre de l’institut Art & Droit.

    Référence électronique

    Dantil O., (2025), « Le tatouage remarqué par le droit. Le statut juridique et fiscal du tatoueur », La Peaulogie 12, mis en ligne le 14 février 2025, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/statut-juridique-fiscal-tatoueur

    Résumé

    La pratique du tatouage est devenue un « art » à part entière, même si le support sur lequel il est exercé met des barrières à son accession à la « short list » privilégiée des œuvres d’art. Cette contribution aborde non seulement le statut juridique du tatoueur mais encore son statut fiscal et enfin son régime en matière de TVA.

    Mots-clés

    Tatouage, Tatoueur, Impôt, Droit fiscal, TVA

    Abstract

    The practice of tattooing has become an «art» in its own right, even if the medium on which it is exercised puts barriers to its accession to the privileged «short list» of works of art. This contribution addresses not only the legal status of the tattooist but also his tax status and finally his VAT regime.

    Keywords

    Tattoo, Tattoo Artist, Tax, Tax waw, VAT

    La pratique du tatouage est devenue un « art » à part entière, même si le support sur lequel il est exercé met des barrières à son accession à la « short list » privilégiée des œuvres d’art.

    En effet, d’un point de vue fiscal, et dans la mesure où le corps humain ne constitue pas un support susceptible de donner lieu à une livraison de bien, la réalisation de tatouages ne constitue pas une «livraison» d’œuvre d’art, mais une prestation de services.

    En outre, même si les tatouages ont la nature d’œuvres d’art, ils n’entrent pas dans la liste restrictive des œuvres d’art prévues à l’article 98 A de l’annexe III au Code général des impôts. Par conséquent, comme nous le verrons ci‑après, le taux réduit de TVA qui s’applique aux artistes ne peut s’appliquer aux tatoueurs.

    D’un point de vue juridique, comme nous le verrons il n’y a pas de différence entre le statut juridique d’un artiste et celui d’un tatoueur, le premier vend des œuvres d’art mais, ce n’est pas tant l’objet qui compte que sa créativité : c’est la raison pour laquelle il est imposé à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des Bénéfices non commerciaux et non dans la catégorie du commerce (les Bénéfices industriels et commerciaux). Le Tatoueur lui est un prestataire de service.

    Nous aborderons donc dans un premier temps le statut juridique du tatoueur puis dans un second temps nous étudierons son statut fiscal et enfin son régime en matière de TVA.

    QUEL STATUT FISCAL POUR LE TATOUEUR ?

    Le tatoueur exerce rarement son activité sous le statut salarié.  Il devient rapidement indépendant.

    EXERCICE À TITRE INDIVIDUEL

    Lorsque le tatoueur exerce son activité à titre individuel, il est imposé à l’impôt sur le revenu, au barème progressif, sur le bénéfice qu’il réalise. La base d’imposition sera déterminée soit selon :

    ‑ Le régime de la micro‑entreprise:le micro BNC ;

    ‑ Le régime du réel.

    Il peut également bénéficier du régime de la micro‑entreprise (ex.:auto entreprise) avec prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales ;

    Le tatoueur peut privilégier le prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales (option au moment de l’adhésion au statut micro‑entrepreneur ou dans les «3 mois suivant le début de son activité en adressant un courriel à son Urssaf »).

    L’impôt sur le revenu est payé en même temps que les cotisations sociales (au mois ou au trimestre) avec application d’un taux spécifique de 2,2 % s’agissant de prestations de services relevant des bénéfices non commerciaux (BNC). Le taux pour les cotisations sociales est de 22 % plus 0,20 % pour la formation professionnelle continue.

    L’option pour le versement libératoire est toutefois conditionnée :

    ‑ Au respect d’un revenu fiscal de référence maximal. Pour une option en 2024, le revenu fiscal de référence (le RFR est mentionné sur l’avis d’impôt disponible dans espace particulier impots.gouv.fr) du foyer fiscal pour l’année N‑2, soit 2022, ne doit pas avoir excédé 27 478 € pour une personne, soit 54 956 € pour un couple. Ce plafond évolue chaque année.

    Pour déterminer le plafond de RFR, il faut multiplier la limite pour une part, soit 27 478 € par le nombre de parts correspondant à la situation du foyer fiscal au jour de l’option.

    A ne pas dépasser le chiffre d’affaires annuel, pour une année civile complète, le plafond de 77 700 € s’agissant de prestations de tatouage.

    Lors de la déclaration d’impôt sur ses revenus annuels, le chiffre d’affaires du tatoueur (sans déduction des charges réelles) n’est pas pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu, mais uniquement pour établir le taux d’imposition de son foyer fiscal.

    Le tatoueur qui a opté pour le prélèvement libératoire doit quand même déclarer son chiffre d’affaires sur la déclaration complémentaire des revenus « 2042 C PRO annexe à la 2042 ».

    Lorsque le micro‑entrepreneur opte pour le versement libératoire, il doit, chaque mois ou chaque trimestre déclarer son chiffre d’affaires (même si celui‑ci est nul) et payer l’impôt et les cotisations sociales dues le cas échéant.

    Aucune comptabilité n’est à fournir hormis la simple tenue quotidienne d’un registre des recettes et des achats. Mais le micro‑entrepreneur ne peut ni déduire ses charges (téléphone, déplacement…), ni amortir son matériel. Pourtant il a  l’obligation de conserver toutes les factures ou pièces justificatives relatives à ses achats et à ses ventes de marchandises ou de prestations de services ainsi que les déclarations de chiffre d’affaires effectuées auprès de l’Urssaf.

    En dehors du cas spécifique du prélèvement libératoire, les modalités d’imposition sont, soit le régime du micro BNC, soit du régime réel.

    ‑ Le régime classique d’imposition de la micro‑entreprise est applicable dès lors que le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas le seuil de 77 700 € précité.

    Le tatoueur doit alors ajouter son chiffre d’affaires dans sa déclaration complémentaire de revenu (n°2042‑C Pro) dans la case micro BNC.

    Le bénéfice imposable est déterminé par l’administration fiscale qui applique au chiffre d’affaires déclaré un abattement forfaitaire intégrant les charges de l’entreprise:charges sociales, salaires, loyers de location notamment. Le taux de cet abattement est 34 % du Chiffre d’affaires.

    Même si le tatoueur ne dépasse pas le seuil de 77 700 €, il peut préférer le régime de la déclaration contrôlée, d’autant plus si le montant de ses dépenses dépasse 34 % de son chiffre d’affaires.

    ‑ Le régime de la déclaration contrôlée est le régime obligatoire si les bénéfices non commerciaux à déclarer sont supérieurs à 77 700 € HT.

    Dans le cas de la déclaration contrôlée, le tatoueur est imposé sur les bénéfices effectivement réalisés au titre de l’année civile précédente, ce qui correspond au chiffre d’affaires (recettes) diminué des dépenses nécessaires à l’exercice de la profession.

    Ce bénéfice doit être déclaré à l’aide des formulaires n°2042 C pro dans la rubrique « régime de la déclaration contrôlée » et n°2035 pour la déclaration de résultat des BNC.

    Le tatoueur doit alors respecter différentes obligations comptables : tenue de documents de comptabilité complète : livre‑journal, livre d’inventaire, grand livre, inventaire annuel ; établissement des comptes annuels en fin d’année ; factures incluant la TVA ; déclarations des bénéfices et de la TVA.

    EXERCICE SOUS FORME DE SOCIÉTÉ

    Le bénéfice de la société est soumis à l’impôt sur les sociétés. Mais dans certains cas il est possible d’opter pour une imposition du bénéfice au niveau de chaque associé.

    Le taux d’imposition de l’impôt sur les sociétés est de 15 % lorsque le bénéfice ne dépasse pas 42 500 € et 25 % au‑delà.

    L’exercice de son activité sous forme de société nécessite d’avoir recours à un expert‑comptable (au même titre que l’entrepreneur individuel qui est soumis à la déclaration contrôlée) et de tenir des assemblées générales au moins une fois par an.

    Le formalisme est donc certes plus contraignant mais il est toujours utile de se faire accompagner par des professionnels pour mieux se concentrer sur son art.

    UN RÉGIME DE TVA QUI EXCLUT LE TATOUAGE DU RÉGIME SPÉCIFIQUE DES ŒUVRES D’ART

    Le corps humain n’étant pas cessible, le tatoueur est considéré comme un prestataire de service.

    Par conséquent, il doit soumettre ses prestations à la TVA.

    C’est le taux normal de la TVA qui s’applique soit 20 % (article 278 du Code général des impôts). Le tatouage ne peut bénéficier de la TVA au taux réduit de 5.5 % qui s’applique aux œuvres d’art (réponse ministérielle à la question n°29035Viry), ni du taux réduit de 10 % qui s’applique aux cessions de droits d’auteur.

    Sous certaines conditions de plafond de chiffre d’affaires, le tatoueur quel que soit son statut (entrepreneur individuel ou société), peut bénéficier du régime de la franchise en base de TVA (article 293 B du Code général des impôts).

    Ce régime permet aux entreprises d’être exonérées de TVA:il n’y a donc pas de TVA à collecter sur les ventes et à reverser mais, en contrepartie, la TVA déductible ne peut pas être récupérée.

    Il s’applique lorsque le chiffre d’affaires réalisé ne dépasse pas :

    ‑ 37 500 € l’année civile précédente,

    ‑ 37 500 € l’avant‑dernière année civile et 41 250 € l’année civile précédente. Si ces deux seuils sont dépassés, le tatoueur devient assujetti à la TVA à compter du 1er janvier de l’année suivant le dépassement du deuxième seuil.

    ‑ 41 250 € l’année civile en cours. Si ce seuil est dépassé, le tatoueur doit payer la TVA le 1er jour du mois de dépassement.

    Cette exonération fiscale permet outre un allégement des obligations comptables et fiscales de proposer des tarifs plus avantageux à des clients particuliers qui ne peuvent déduire la TVA.

    La facturation du tatoueur doit obligatoirement faire mention de l’application de la franchise «franchise en base article 293 B du Code général des impôts ».

    Si ces seuils sont dépassés ou si l’entrepreneur souhaite opter pour le régime de la TVA, il doit l’indiquer au service des impôts des entreprises (SIE) dont il dépend. L’option pour la TVA prend effet au 1er jour du mois au cours duquel elle est déclarée.

    Deux régimes d’imposition peuvent alors s’appliquer :

    ‑ Le régime simplifié d’imposition si le chiffre d’affaires hors taxe est compris entre 37 500 € HT et 254 000 € HT pour les prestations de service.

    ‑ Le régime du réel normal

    Le tatouage est un art, cela n’est pas contestable et d’ailleurs le législateur ne le remet pas en cause. Mais le support des œuvres étant spécifique et hors commerce, il ne peut en tant que tel, être assimilé à une œuvre d’art.