Le tatouage traditionnel Américain
Des frégates aux salons de tatouage
J. Lenrouilly, Bay A.
Le tatouage traditionnel Américain
Des frégates aux salons de tatouage
J. Lenrouilly, Bay A.
Bay A., (2023), Le tatouage traditionnel Américain. Des frégates aux salons de tatouage, Bordeaux : Cellophane, 336 p., ISBN : 970-10-699-8016-7
Compte rendu de Stephane Héas
Référence électronique
Héas S., (2024), « Le tatouage traditionnel Américain », La Peaulogie 11, mis en ligne le 28 octobre 2024, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/tatouage-traditionnel-americain
Cet ouvrage de 338 pages est largement et magnifiquement illustré notamment par des peintures du tatoueur Alex90 tout au long de l’ouvrage ; les 50 dernières pages reproduisent des motifs tatoués sans analyse, comme éléments du corpus avec leurs significations principales. Il est composé de neuf chapitres : histoire d’une pratique maritime, une vie de marin, récits de beachcombers et de naufragés, la tradition des freakshows, des frégates aux salons de tatouage, les premières femmes du métier, les maîtres de l’encre, le dermographe électrique et les symboles. E. Müller dans sa courte préface évoque la démarche historique de l’autrice, démarche de type « récits de voyages » associés au monde des marins. Il est regrettable, néanmoins, de rencontrer des coquilles dans un tel ouvrage… notamment, étant donné son prix de vente. Sinon, l’ouvrage est de belle facture, les argumentaires sont précis avec un souci de présentation des archives, supports de la réflexion historique.
Il peut constituer une source d’analyse de terrains plus circonscrits concernant telle ou telle catégories de marins, de tel pays d’origine, de tel pays visité, de tel motif de tatouage, etc. La complexité et la multiplicité des recours au tatouage sont présentés au fil des pages : signe de protection superstitieuse contre la noyade, symbole d’une corporation professionnelle (ici la marine, marchande ou militaire), badge d’honneur stipulant l’expérience maritime, hommage et symbole commémoratifs (Remember the Maine ‑1898, Remember Pearl Harbor ‑1941 et Mekong Patrol ‑1968), voire ex‑voto. Plus trivialement, les tatouages constituaient un moyen d’identification aussi en cas de naufrage : une carte d’identité à même la peau.
Le tatouage comme source et reflet de rencontres et de partages avec les Autres constitue un des éléments les plus originaux de cet ouvrage. Les influences mutuelles entre marins et autochtones rencontrés lors des mouillages, sont présentées à partir d’exemples historiques concrets. Le tatouage permet aussi à l’autrice de préciser les conditions historiques des personnes s’engageant sur les mers et surtout les océans. Les situations des marins étaient variées, la possibilité à l’époque de fuir un système pénal et légal constituait une réelle et réaliste piste pour un avenir, censé, meilleur… Pourtant, les conditions de travail étaient dures, et dans certains cas abominables et proches de l’esclavage. Ainsi, ce voyage es tatouages permet de considérer le passé sous un angle original, pas toujours aussi enchanteur qu’un premier abord l’escompterait. C’est tout le mérite de cet ouvrage comme nouveau chapitre de cette histoire navale à travers le monde à partir des traces tégumentaires volontaires, dites « marques permanentes » par les premiers qui ont établi des comparaisons entre les corps professionnels, militaires ou non, entre les pays aussi (USA vs. Angleterre par exemple). Au milieu du XIXe siècle, le marin tatoué est devenu une image d’Epinal, l’essor de la pratique du tatouage s’est renforcé, et les dessins se sont multipliés et complexifiés avec l’apparition des machines à tatouer (annonce officielle en 1891 par O’Reilly). Cet ouvrage dense mérite le coup d’œil pour mieux comprendre les peurs, les (mal)heurs maritimes de l’époque.