Sourcils et cils dans le monde byzantin (IVe-XIIe s.)

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  • Description

    Nicolas DROCOURT

    Agrégé d’histoire, maître de conférences en histoire médiévale à l’université de Nantes, et membre du laboratoire CRHIA (EA 1163).

    Référence électronique
    Drocourt N., (2022), « Sourcils et cils dans le monde byzantin (IVe-XIIe s.) », La Peaulogie 9, mis en ligne le 11 juillet 2022, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/sourcils-cils-byzance

    Résumé

    Si les sourcils apparaissent dans les sources relatives au monde byzantin entre les IVe et XIIe siècles, les cils sont relativement peu cités. Les premiers relèvent de certains portraits d’identification, mais leurs formes et couleurs ressortissent aussi aux portraits décrits qui, souvent, mettent en avant la beauté de leurs détenteurs. En outre, une lecture physiognomonique est possible, notamment pour le début de la période envisagée, et les cils peuvent y apparaître. Les mouvements des sourcils traduisent surtout des émotions, renvoient ailleurs à une altérité, ou bien encore sont rattachés à certains châtiments physiques.

    Mots-clés

    Cils, Sourcils, Byzance, Système Pileux, Pilosité, Cheveux, Barbe, Yeux, Beauté, Physiognomonie, Emotions

    Abstract

    If eyebrows appear in our sources regarding Byzantium between the fourth and the twelfth centuries, eyelashes are rarely mentioned. The former are associated with some portraits, but their forms and colours also come under physical descriptions, which often highlight the beauty of their bearers. Furthermore, a physiognomonic reading is possible, notably at the beginning of the period under scope, and eyelashes too may then be mentioned. The movements of eyebrows mainly convey emotions, may refer to some alterity, or are associated with some physical punishments.

    Keywords

    Eyelashes, Eyebrows, Byzantium, Hairiness, Hairy, Hair, Beard, Eyes, Beauty, Emotions, Physiognomo

    Dans la description qu’il donne en 1161 de la princesse Mélisende, promise à l’empereur Manuel Ier Comnène (1143‑1180), Constantin Manassès ne manque pas de souligner sa beauté. Il n’y est certainement pas resté insensible si l’on en juge par l’emphase avec laquelle ce fin lettré de la cour impériale a décrit la princesse latine. Sœur du comte de Tripoli, à la tête de l’un des États issus de la première Croisade, elle incarnait aussi un certain idéal… dans les intérêts géopolitiques du temps pour le basileus (Panagopoulou, 2006, 307‑312 ; Magdalino, 1993, 72). Mais Manassès ne s’en soucie guère dans le récit de voyage (Hodoiporikon) qu’il a laissé du déplacement diplomatique auquel il a pris part – au titre de simple membre de la suite de l’ambassade toutefois – pour rencontrer ladite princesse et l’escorter ensuite vers Constantinople. Il préfère gloser davantage sur les aléas de son déplacement, les épreuves de la maladie qu’il contracte en chemin, mais aussi, donc, sur la belle apparence de Mélisende. Parmi les attributs physiques de cette beauté hors du commun, on retiendra que cils et sourcils de la princesse n’ont pas laissé de marbre le voyageur. Les premiers étaient, assure‑t‑il, idéalement dessinés, là où ses sourcils traçaient un arrondi des plus parfaits (Aerts, 2003[1]).

    Quelques siècles plus tôt, dans les tensions vives qui traversent la société byzantine au moment de l’iconoclasme – cette politique décrétée par les premiers empereurs isauriens qui s’attaquent aux images pieuses – ce sont d’autres sourcils qui retiennent l’attention d’un chroniqueur grec, et la nôtre (Theophanis Chronographia, 441). Ils sont ceux du patriarche de Constantinople, le plus grand hiérarque de l’Empire, qui a le démérite de s’opposer ouvertement aux choix impériaux, en défendant au contraire les images. Les sanctions qu’il subit sont multiples, mais son châtiment physique est particulièrement terrible d’après notre témoin. Non content d’avoir connu l’épreuve du fouet, puis d’avoir été durement frappé au visage, en l’église Sainte‑Sophie le 6 octobre 767, sa barbe est rasée le lendemain, tout comme ses cheveux « et les poils de ses sourcils ». C’est donc le visage totalement mis à nu qu’il est ensuite assis sur un âne bâté à l’hippodrome de la capitale pour mieux être conspué par le peuple. Demeurant fidèle à ses positions iconodoules face aux envoyés de l’empereur Constantin V quelques jours plus tard, il finira décapité.

    Deux épisodes qui encadrent presque la totalité de la période dite « médiobyzantine » (des années 640 à 1204) et qui permettent d’appréhender cils et sourcils[2]. On notera d’emblée que ces derniers sont ici inséparables d’autres poils et du système pileux plus largement. Si le rasage du visage du patriarche est total, l’heureuse apparence des cils et sourcils de Mélisende vient, chez Manassès, après l’exaltation de l’abondante chevelure d’une blondeur éclatante de la promise à l’empereur. C’est, plus que les seuls cils et sourcils considérés indépendamment, l’ensemble des poils et cheveux associés à la tête qui, dans les deux cas, fait sens – et ce, que le contexte soit donc à la fête ou à l’horreur d’un supplice en place publique. En outre, ces deux cas renvoient plus largement à la place du poil, de la pilosité et du système pileux dans le monde byzantin. Depuis une vingtaine d’années désormais, cette culture pileuse a reçu une certaine attention chez les historiens byzantinistes (Auzépy, 2002 ; Auzépy, 2011 ; Sidéris, 2011), de même que chez les médiévistes plus largement – non sans lien avec un renouveau des lectures anthropologiques de l’histoire du corps (Bodiou et Mehl, 2019 ; Pouvreau, 2014). Néanmoins, cils et sourcils demeurent peu traités. C’est là, à l’évidence, un reflet de l’apparente pauvreté des sources médiévales et grecques sur ce sujet. Je n’aurai pas ici l’intention de combler ce vide historiographique, mais de traiter quelques exemples tirés des sources, et de proposer ainsi des jalons à une thématique qui méritera à l’évidence d’être étudiée plus avant dans le futur.

    LES SOURCILS ENTRE APPARENCE ET ELEMENT D’IDENTIFICATION

    Un premier constat peut nous permettre de considérer qu’à défaut des cils, les sourcils constituent l’un des éléments suffisamment caractéristiques du visage pour être mentionnés lorsque ce dernier se trouve décrit. Sa mention, certes, n’est pas automatique, et les détails donnés sur les visages n’abondent nullement dans nos sources, à l’exception, on le verra, de ceux des souverains. Bien des anonymes ou simples particuliers, les idiôtai dans la terminologie byzantine, resteront à jamais sans visage, à de rarissimes exceptions près. Dès que celles‑ci se présentent à l’historien, il s’en saisit, comme l’a fait Gilbert Dagron. Dans une suggestive étude, il présente certaines de ces descriptions qui relèvent d’un authentique genre littéraire, l’eikonismos. On en trouve trace jusqu’aux documents fiscaux ou administratifs, issus principalement du début du Moyen Âge et des archives de l’Égypte byzantine, avant les conquêtes arabes (Dagron, 2007, 107 et s.). Dans ces descriptions, les cheveux ne sont pas oubliés, que l’on relève à leur endroit leur couleur, leur taille, leur apparence (plats, bouclés, frisés) ou leur absence ; les barbes y figurent logiquement. À cela s’ajoutent les traits remarquables, comme les grains de beauté, le strabisme, une cicatrice visible, etc. Les sourcils figurent dans ces critères « secondaires », mais assez importants pour caractériser et identifier un visage. On y note en particulier le cas des sourcils qui se rejoignent. Un tel constat ne saurait totalement nous étonner : pilosité et système pileux participent bien des moyens d’identification, voire de la définition d’une identité[3]. On doit même imaginer que pour certains voyageurs au long cours, comme les pèlerins ou les ambassadeurs, de telles descriptions physiques existent à l’état de document écrit dont ils se munissent, comme le suggère le cas de Bernard le Moine en Italie du Sud vers 865[4].

    Même sans relever de personnes qui leur sont contemporaines, l’apparence des sourcils de figures historiques ne manque pas d’apparaître sous la plume de certains auteurs byzantins. Au VIe siècle, Jean Malalas décrit ainsi l’apôtre Pierre avec un front dégarni, un long nez et des « sourcils se rejoignant » (σύνοφρυς), caractéristique identique chez l’apôtre Paul[5]. Les visages, et quelquefois les corps mêmes, des Pères de l’Église sont eux aussi dépeints en ce sens dans un tradition manuscrite grecque dont le plus ancien témoin connu remonte à la fin du Xe siècle (Kokoszko, 1998, 156 et pour ce qui suit). Aux sourcils « bien alignés » de Grégoire de Nazianze sous un regard doux et bienveillant s’opposent presque les « sourcils froncés » de Denys l’Aréopagite. Basile de Cappadoce, quant à lui, dispose de sourcils « en arc de cercles » accompagnant son « air sévère », là où le visage de Cyrille d’Alexandrie se serait caractérisé par des « grands sourcils épais et arrondis en arcs soulignant son front » [6]. Autant de mentions qui démontrent que, si les sourcils ne figurent que dans une minorité de notice de descriptions physiques, ils ne sont pas négligés. Ils relèvent bien des visages que le croyant doit connaître et, sans doute, se souvenir.

    Ajoutons le cas des héros homériques, l’autre grande source du savoir, de l’apprentissage de la lecture et de la culture intellectuelle à Byzance[7]. Si Homère dit assez peu des corps des fameux combattants achéens et troyens, une autre tradition textuelle issue d’un Pseudo‑Diktys de Cnossos (sans doute du premier siècle de notre ère) est plus prolixe en la matière. Or, elle est connue et répétée à Byzance, notamment par les écrits de Jean Malalas, d’Isaac Porphyrogénète ou de Jean Tzetzès (au XIIe s. pour ces deux derniers) [8]. Parmi les héros grecs, Ulysse a une « belle barbe » et des « sourcils se rejoignant », tout comme Philoctète, et Pyrrhos‑Néoptolème les a « blonds » alors que ses cheveux sont roux ; dans le rang des Troyens, Andromaque dispose de « beaux sourcils » (εὔοφρυς), Paris‑Alexandre des « sourcils fournis et tombants », alors que Prima, le roi de Troie, a lui aussi ces « sourcils se rejoignant », outre sa belle taille et son « blanc de poil » (Dagron, 2007, 129‑131). S’il faut y voir des « fantaisies purement littéraires » (Dagron), il n’est pas improbable qu’on ait cru à l’authenticité de ces portraits, partiellement ou totalement[9]. On les répète en tout cas, et la pilosité associée aux sourcils y figurent bien quelquefois.

    Il convient de noter, en outre, que dans les portraits dressés des empereurs par les chroniqueurs, les sourcils ne sont pas totalement oubliés. Ils s’inscrivent dans la logique de présentation du visage, des cheveux et de la barbe – lorsqu’elle existe – des souverains, quoique leur mention ne soit nullement automatique. Une étude globale sur l’apparence physique des empereurs depuis le premier d’entre eux, Constantin (306‑337), jusqu’au dernier basileus avant la prise de Constantinople par les croisés, en 1204, met en évidence que les sourcils sont décrits pour huit d’entre eux[10]. Ils seront cités dans les exemples qui suivent. On peut retenir d’emblée qu’un Julien (361‑363), célèbre pour sa barbe qu’il défendit ardemment, disposait de « sourcils bien tracés » d’après son contemporain et proche Ammien Marcellin[11]. Dans le portrait qu’elle dresse de son père, Alexis Ier Comnène (1081‑1118), Anne fournit d’amples détails sur son apparence : dans un visage rayonnant, des « sourcils noirs s’arquaient de chaque côté » (Anne Comnène, III, III, 2, t. I, 111). Enfin, comment ne pas citer le dernier empereur avant la chute de l’Empire, en avril 1204, Alexis V Murtzuphle (ou Mourtzouphlos) ? Son règne court clôt la période médio‑byzantine, et le surnom dont il est affublé renvoie précisément à cette distinction physique relative aux « sourcils épais », sens probable de ce surnom. Nicétas Chôniatès, lui aussi son contemporain, avance qu’il les avait très abondants, en saillie nette de ses yeux et se rejoignant. Il ajoute qu’un tel surnom – unique dans l’histoire des quatre‑vingt‑huit empereurs de Byzance – lui avait été donné dès son adolescence par ses compagnons[12]. Cette étymologie a pu toutefois être contestée par un philologue moderne[13].

    DES CRITERES DE BEAUTE ?

    Peut‑on suggérer, dans le cas d’un Ulysse ou des Pères de l’Église, que les portraits dressés – sourcils y figurant ou non – relèvent aussi d’une écriture d’idéalisation ? Entre celle‑ci et des formes de beauté, la frontière est ténue. Comme en d’autres temps et sous d’autres latitudes, la beauté, comme la laideur, dispose de critères culturels et subjectifs à Byzance[14]. Que cette beauté reconnue d’une personne passe par ses cils et sourcils ne fait guère de doute à la lecture de ce qu’écrit Constantin Manassès à l’endroit de Mélisende – et que celle‑ci soit d’origine latine et que l’alliance avec Manuel ne se fasse finalement point ne changent rien à l’affaire. Tout comme la chevelure, ils relèvent non seulement de ce qui est vu, mais aussi de ce que l’on juge à l’aune des critères du temps. Au reste, plus que par leur seule apparence naturelle, c’est aussi avec le maquillage que les femmes rehaussent leur beauté et s’exposent aux regards extérieurs. Le fait est attesté durant le millénaire byzantin, et il ne concerne pas uniquement cils et sourcils, mais aussi d’autres parties du visage féminin. Il participe de la beauté féminine laquelle n’est pas toujours prise en bonne part, comme le souligne à la fin du XIe siècle les propos de Kekauménos[15]. En outre, dans la mesure où les femmes se déplacent voilées dans l’espace public, cils et sourcils procèdent des parties bien visibles du visage – leur conférant même une importance accrue de fait[16].

    Ce maquillage féminin comme artifice de beauté trouve des contempteurs et ne fait pas que des adeptes, y compris dans le rang des femmes. Deux témoignages en fournissent la preuve, mais confirment aussi en creux combien les soins apportés à ces types de poils sont certainement largement répandus. Nicétas Chôniatès, célèbre chroniqueur byzantin au tournant des XIIe et XIIIe siècles, assure par exemple que Berthe de Sulzbach, première épouse de l’empereur Manuel Ier Comnène, n’usait point de cet artifice. Elle dédaignait se poudrer le visage, négligeant volontairement tout fard à paupières et autres contours des yeux, assumant son teint naturel. Elle laissait ainsi, poursuit‑il, de telles aides à son apparence aux femmes plus insensées, préférant cultiver sa beauté intérieure[17]. Un trait de caractère qui sera soulignée jusqu’à son oraison funèbre prononcée par Basile d’Achrida[18]. Au XVe siècle encore, synonyme de disparition de l’Empire après la prise de Constantinople par les Turcs en mai 1453, c’est un autre auteur grec, Jean Eugénikos, qui prend le relais de l’attitude de Berthe. En tant que membre du clergé patriarcal, sa condamnation a une nette tonalité morale ou moralisatrice. Entre autres nombreux écrits, il est connu pour avoir rédigé un pamphlet contre ces mêmes femmes qui peignent leurs lèvres, couvrent leurs joues de fard et noircissent leurs sourcils dans le but de se rendre plus attractives[19]. C’est toutefois là une tradition ancienne de critiques, déjà notable sous la plume des Pères de l’Église durant l’Antiquité tardive : se peindre paupières, lèvres et sourcils risquent d’égarer les femmes du vrai chemin vers Dieu et l’Église[20].

    Au reste, il faut croire que des sourcils ne justifiaient point d’être maquillés pour certaines femmes, fût‑ce au sommet du pouvoir. Est‑ce bien ce que Michel Psellos, brillant philosophe, rhéteur et homme de cour du XIe siècle, laisse entendre lors qu’il décrit l’impératrice Zoé ? Comme sa sœur Théodora, celle‑ci a joui d’un réel rôle politique entre 1028 et 1054 la plus grande dynastie médio‑byzantine, celle des Macédoniens, s’éteignant d’ailleurs avec la mort de Théodora en 1056[21]. Psellos a laissé un portrait des deux, et il souligne que Zoé avait d’imposants sourcils surmontant des yeux immenses[22]. C’est toutefois une autre impératrice de la seconde moitié du XIe siècle qui est restée célèbre pour sa beauté, Marie d’Alanie, autrement dit originaire de Géorgie. Fille du roi Bagrat IV, elle est mariée à Michel VII Doukas (1071‑1078), puis à son successeur Nicéphore III (1078‑1081) ; proche par la suite d’Alexis Comnène, c’est à ce titre que la fille de ce dernier, Anne, la dépeint dans un passage de son Alexiade. Elle possédait « des sourcils de feu [qui] s’arquaient au‑dessus d’yeux d’un bleu clair », et cette particularité – qui associe de près les sourcils et les yeux – s’inscrit dans un ensemble plus vaste incluant l’éclat de son regard, le teint rose de son visage ovale, la peau blanche et la taille « élancée comme un cyprès »[23]. Psellos sait non seulement jouer sur le plan rhétorique avec ces critères de beauté, mais il connaît aussi la place dévolue aux sourcils dans l’expression de cette dernière. Il suffit de lire le texte rédigé en l’honneur de sa fille défunte, Styliané, pour s’en convaincre. On y trouve une description parmi les plus longues, à l’évidence, de la littérature byzantine sur ce type de poils. Ni trop arqués, ni trop droits, ces sourcils charment par leur symétrie et leur élégance ; s’ils se rejoignent à la racine du nez, ils « s’épaississent d’une abondante pilosité » en direction de leurs extrémités, s’amincissant alors pour se terminer en pointe ; enfin « paraissant d’un noir sans mélange, du fait de la blancheur rayonnante de son front, ils accroissaient sa grâce et la multipliaient » (Michel Psellos, 236‑237).

    Un siècle plus tôt, dans un autre court portrait d’empereur, celui de Nicéphore Phokas (963‑969) dressé par son contemporain Léon le Diacre, ce dernier établit aussi un lien entre les yeux et les sourcils. Il témoigne en outre de mêmes sourcils imposants, associés en plus à une chevelure épaisse d’un noir profond, et à une barbe grise quoique peu fournie. Cet empereur, écrit Léon avait des « yeux noirs, pénétrés de réflexion, embusqués sous des sourcils touffus » (Léon le Diacre, III, 8, 87). Un portrait de souverain n’est jamais anodin, et ici il est assez favorable à Nicéphore pour que, de l’ensemble des traits physiques dépeints, Léon finisse par établir une analogie entre le corps du prince et « la vaillance et la force du légendaire Héraklès »[24]. Un autre témoignage latin a été donné de cet empereur par un visiteur officiel qui l’a personnellement rencontré : il n’est en aucun cas laudateur, mais ne fournit aucune information sur les cils ou les sourcils impériaux[25]. Les élites byzantines écrivent en reproduisant souvent des grilles de lecture issus des textes grecs de l’Antiquité. Ici d’ailleurs, dans le cas de Nicéphore Phokas et au regard de ses sourcils, Léon le Diacre aurait aussi pu faire référence à l’un des héros homériques, Hector. Lui aussi dispose, en effet, de sourcils imposants ou « terribles » (βλοσυρῇσιν ὑπ᾽ ὀφρύσιν) si l’on en croit Homère, outre le fait d’être, comme Nicéphore, un vaillant combattant[26]. Ailleurs, des « sourcils touffus » (ὀφρὺς λασία) ne manquent pas d’être dépeints par Constantin Manassès dans la longue description physique d’un nain présent à la cour impériale des Comnènes. Ils accompagnent une chevelure noire épaisse, un front large et des yeux noirs, sans jugement toutefois – ce sont davantage les jambes difformes qui interpellent l’auteur de ce texte (Messis et Nilsson, 2015, 189 et 193).

    Il convient de souligner de plus qu’à défaut de beauté à proprement parler, les sourcils peuvent être l’objet d’une autre forme d’attention : les soins médicaux qu’on leur prodigue. Dans ce cadre aussi, ils sont placés en parallèle d’autres parties pileuses du corps (Lascaratos et al., 2004, 397‑401). Des traités médicaux y font référence. C’est le cas pour l’un d’entre eux, rédigé par Aetius d’Amida, au VIe siècle. Un chapitre entier y est consacré à l’embellissement des sourcils ; celui‑ci passe par l’onction d’une crème, à base de noix du Pont râpé avec de la graisse de chèvre sauvage, qui renforce et assombrit à la fois les sourcils. La lutte contre la perte de ces derniers motive une partie des réflexions de ce médecin. Pour cela, des cataplasmes de fleurs brûlées de fenouil mises dans l’eau feraient l’affaire, tout comme l’onction d’abeilles grillées mélangées à de l’huile d’olive… mais Aetius préconise de ne pas utiliser ces remèdes sur des parties de la peau autres que les sourcils (Lascaratos et al., 2004, 396, n. 11). Plus tard, au XIIIe siècle, Nicéphore Blemmydes suggère à son tour une autre recette, usant de ladanum, une résine, bouilli dans du vin (398‑399)[27]. Les cils ne sont pas totalement oubliés, dans le cadre d’une autre pathologie toutefois, en lien avec les poux qui pourraient s’y loger. Pour traiter les désagréments causés par ces parasites, le médecin Oribase (IVe siècle de notre ère) préconisait en effet d’user d’un mélange de sandaraque (un sulfure d’arsenic) et de staphisaigre (une plante toxique), employées en onction avec du miel ou du vin (Sidéris, 2015, 304, n. 21).

    On notera enfin que cils et sourcils peuvent aussi apparaître dans la description donnée de la beauté dans la production littéraire romanesque. Celle‑ci connaît un nouvel essor au XIIe siècle à l’époque des Comnènes, avec quatre romans connus (Meunier, 2007). Dans l’un d’entre eux, par exemple, l’héroïne Hysminè est décrite par l’auteur qui fait alors parler son amoureux Hysminias, dans un passage qui se passe de commentaires. Face un visage « plein de charme », il ne peut enlever ses propres yeux d’homme épris sur « des sourcils noirs, en arc, en croissant de lune, des yeux noirs ardents, très brillants, très ronds. Ses cils au bord des paupières étaient noirs, ses yeux un vrai miroir d’Eros » (Eumathios (1991), livre III, 64). Soulignons juste dans ce passage, de nouveau, la correspondance entre yeux, cils et sourcils. Les sourcils sont aussi empreints de beauté dans un autre roman de la même période, Rhodanthé et Dosiclès de Théodore Prodrome : les deux protagonistes sont directement concernés, et l’on peut attirer l’attention sur ceux de l’héroïne, Rhodantè, qui, semi‑circulaires, ont la forme parfaite (Hatzaki, 2010, 94). Ces romans sont destinés d’abord à une élite, alors que le héros épique qu’est Digénis Akritas, est plus populaire ; lui aussi dispose des « sourcils d’un noir sans mélange » qui pèsent en faveur de sa « charmante prestance » (Digénis Akritas, IV, vers 199, 228, n. 70, données physiques qui n’apparaissent pas dans d’autres versions).

    SOURCILS ET CILS AU CRIBLE DES LECTURES PHYSIOGNOMONIQUES

    À défaut de beauté à proprement parler, le lecteur des sources byzantines peut trouver mention de sourcils dont l’aspect renvoie à des caractéristiques morales dont seraient pourvus leurs détenteurs. Ainsi en va‑t‑il, toujours sous la plume de Psellos, de l’empereur Michel VII Doukas dont il fut particulièrement proche. Son sourcil, précise le chronographe, n’était « ni orgueilleux, ni comme soupçonneux et rabattu sur les yeux, mais libre et avec la gravité qui convient » (Michel Psellos, t. II, 175). Une telle description fait pencher son célèbre auteur vers une lecture directement dérivée de la physiognomonie (Jouanno, 2003, 207). Doit‑on rappeler que celle‑ci est une authentique technê constituant savoirs et savoir‑faire se proposant de lire dans les corps et ses gestes les signes révélateurs d’une âme, d’un caractère et de dispositions morales – dans la belle définition qu’en a récemment donnée Jérôme Wilgaux (2019, 493) ? Un « art » ou une discipline qui s’épanouit durant l’Antiquité gréco‑romaine, appuyé sur un corpus de textes grecs ou latins qui se transmettent à l’époque médiévale, notamment dans le monde arabe[28]. Cette lecture du corps n’est pas oubliée à Byzance. Elle semble ici resurgir, avec la description de Michel VII, particulièrement dans le relais de l’idée de juste mesure et de justes proportions, comme l’a mis en avant Corinne Jouanno[29]. S’appuyant sur les nombreuses descriptions physiques des basileis données par Psellos, cette dernière a brillamment démontré combien le corps terrestre du souverain y constitue une image symbolique de l’État, lui‑même conçu du reste comme un « corps politique » (Jouanno, 2003, 215‑217). Poils divers et pilosité vont en ce sens – quoique cils et sourcils apparaissent (assez) rarement.

    La lecture physiognomonique se superpose à cette lecture métaphorique. Le portrait dressé de Basile II par exemple en témoigne : sa forme physique « accuse la noblesse de sa nature », et il regarde ses contemporains de son œil bleu clair (χαροπὸν) – terme et qualité physique qui, dans le traité physiognomonique du Pseudo‑Aristote, renvoient à l’homme courageux[30]. Et Psellos de décrire ensuite son sourcil « qui n’était ni surplombant et sombre, ni tendu en ligne droite comme celui d’une femme, mais bien arqué, exprimait la fierté du personnage » (Psellos, t. I, 22). On soulignera ici, outre l’interprétation physiognomonique, la distinction faite, par le sourcil, entre homme et femme – quoique l’arrondi des sourcils peut aussi être valorisé pour vanter la beauté féminine, comme cela est le cas pour Mélisende sous la plume de Manassès, et de Marie d’Alanie sous celle d’Anne Comnène.

    Au XIe siècle, Michel Psellos use de cette lecture dans des écrits autres que sa Chronographie des empereurs byzantins. Grâce à la physiognomonie, assure‑t‑il dans l’un de ses panégyriques écrits à l’adresse de Constantin IX Monomaque, l’on peut saisir ce qui se dissimule derrière des sourcils ou des paupières, et ainsi comprendre pleinement les résolutions de l’âme (τὰ ἐν τῇ ψυχῇ βουλεύματα)[31]. Cette manière de lire les corps et les âmes n’est sans doute pas isolée car, au siècle précédent, cette vaste entreprise lexicographique qu’est la Souda n’omet nullement de mentionner les physiognomonistes et leurs interprétations croisées des âmes et des corps[32]. Psellos en fait donc un usage logique, et répété, dans son récit historique des règnes impériaux. Outre ce qui a déjà été entrevu, ajoutons un dernier passage. Il apparaît pleinement significatif dans la logique de cette lecture car il ne concerne pas un basileus gouvernant à proprement parler, mais le fils de l’un d’eux, Michel VII. Or ce fils, Constantin, n’est encore qu’un bébé lorsque le célèbre polygraphe le décrit. Comme l’a mis en exergue Frederick Lauritzen, Psellos doit donc s’efforcer de trouver de bonnes dispositions morales pour un enfant qui ne sait encore ni marcher ni parler (Lauritzen, 2013, 94‑96)[33]. De ce fait, il concentre sa description sur son visage. Ce dernier « s’arrondit en un cercle parfait », et ses yeux sont pers, d’une belle grandeur et pleins de calme. La description des jeunes sourcils n’est nullement esquivée dans cette logique : ils forment « une ligne absolument droite, [et sont] séparés légèrement à la racine du nez et doucement arqués vers les tempes »[34]. Les caractéristiques de la distinction par la beauté sont là, comme une invitation à voir le fils du prince devenir un authentique basileus. De la sorte, de tels attributs pileux vont ici de pair avec d’autres éléments caractéristiques comme des cheveux « brillants comme le soleil », des lèvres minces, l’œil doux et, surtout, l’expression d’un regard exprimant « une âme qui n’est ni affaissée ni exaltée, mais douce, et tenue en éveil par une impulsion divine ». Rarement portrait de bébé n’aura démontré les capacités morales d’un futur empereur telles que les présente Psellos[35].

    Plus largement, on peut considérer, comme certains historiens l’ont fait, que la physiognomonie s’est érigée en discipline « scientifique » à l’échelle d’une grande partie de l’Empire byzantin, au‑delà du seul siècle de Psellos et de son cercle d’érudits. Peut‑être faudrait‑il toutefois suggérer une distinction entre les siècles de transition entre Antiquité et Moyen Âge, et ceux plus tardifs. Il est vrai que le IVe siècle de notre ère est celui qui voit la mise en rédaction de deux traités relatifs à cette technê, l’un en grec, l’autre en latin (Wilgaux, 2019, 494) – langue qui restera associée de près à l’Empire byzantin jusqu’au VIe siècle inclus. Comme l’a noté Georges Sidéris, l’un de ces deux textes, le De Physiognomia Liber, est assez attentif aux poils et au système pileux de l’homme (Sidéris, 2011, 100). Il fournit même des données sur certains poils que l’on aurait tendance à oublier : ceux dans les narines et ceux qui se trouvent à l’intérieur des oreilles (Anonyme latin, § 82, 115). Pour ces derniers leur abondance est signe « de vigueur des sens et d’intelligence », quoiqu’ils risquent de mener son détenteur à la surdité, alors que les premiers, s’ils sont drus ou mous, permettent respectivement de distinguer les esprits insensibles ou, au contraire, sociables.

    Mais ce sont les cils et les sourcils qui, ailleurs dans ce même texte, alimentent quelques réflexions. Disposant d’assez peu d’informations dans les textes pour les premiers, citons le passage in extenso qui les concerne : « Les cils noirs, raides et durs, sur une tête dont les signes sont mauvais, indiquent un caractère assez bon et ferme. Rares, fins et rouges, ils marquent la faiblesse de caractère et l’arrivée de la vieillesse » (Anonyme latin, § 43, 84‑85). Ils tombent dès lors facilement ajoute le texte. On soulignera que ce passage clôt un long chapitre sur les yeux, et ne constitue pas une partie en soi, à part. Ils trahissent donc un intérêt pour cette lecture physiognomonique associés au regard et à la vue, sens important dans la culture byzantine[36]. Les sourcils disposent bien, eux, d’un traitement à part et plus long. Décrits logiquement entre le front et les paupières, leurs formes et leurs tailles sont étroitement associées à des caractères. Lorsqu’ils sont droits et allongés : leur détenteur est mou et faible, de « type féminin » ; se rejoignant : très sévère et trop peu sage ; ramenés vers le haut : dénotent un esprit querelleur, irascible et sot ; en ligne droite vers les tempes : esprit ordurier ; resserrés : un esprit mesquin et borné, etc.[37] Il convient de rappeler néanmoins que ces associations d’apparence implacables ne sont pas toujours identiques à ce que l’on trouve dans d’autres traités de physiognomie (Wilgaux, 2019, 495). Le traité de Polémon au IIe siècle de notre ère, transmis par un manuscrit arabe dit de Leiden, avance par exemple que les sourcils épais indiquent du chagrin et de la tristesse (Swain, 2007, 437), alors que le traité grec d’Adamantios, rhéteur du IVe siècle, assure que l’homme aux sourcils resserrés est ennuyeux (Swain, 2007, 537, et, pour d’autres éléments : 542, 545).

    Relevons enfin qu’en dehors de Psellos, il n’est pas aisé de trouver dans les sources narratives un lien explicite entre formes du corps et caractères de l’âme dans les portraits écrits conservés. Il est vrai que, comme l’a souligné Gilbert Dagron, si la tradition physiognomonique passe de la Grèce à Rome, qu’elle peut se renforcer en langue arabe et refleurir dans l’Occident de la Renaissance, elle s’appauvrit aussi à Byzance[38]. Sans doute est‑elle encore présente dans les esprits et sous la plume des auteurs des tout premiers siècles de notre étude. Son usage a ainsi été mise en exergue pour les portraits conservés de Julien l’Apostat par exemple, notamment ceux donnés par Ammien Marcellin (Baldwin, 1980, 13, n. 22 ; Kokoszko, 1998, 38). En outre, l’influence de la physiognomonie est encore prégnante sous la plume d’un Jean Malalas au VIe siècle, comme l’a démontrée une étude (Kokoszko, 1998, 42‑43, et 168‑169, en particulier).

    C’est toutefois davantage l’implicite qui est palpable dans certaines descriptions physiques. Ainsi peut‑on croire que les sourcils bien arqués d’un Alexis Ier, tels que les dépeint sa fille Anne, renvoient à l’idéal de la juste mesure, et donc que cet équilibre physique est gage de vertu morale (Anne Comnène, III, III, 2, t. I, 111)… Mais ce n’est que spéculation. Dès lors, les rares mentions explicites dans nos sources méritent la plus grande attention. C’est le cas pour la chronique de Nicétas Chôniatès (fin du XIIe‑début du XIIIe s.), dont l’attention aux corps, tout ou partie, des acteurs de l’histoire qu’il mentionne ou décrit, fut grande[39]. Le constat est net pour un certain Constantin Mesopotamitès, favori de l’empereur Isaac II Ange à la fin du XIIe siècle. Il était d’un caractère tout à la fois sophistiqué, capricieux, astucieux et à l’esprit vif comme l’indiquait, assure Chôniatès, la poussée de ses sourcils en une seule ligne sans séparation (Nicetae Choniatae Historia, 441). Dans le cas du fameux Alexis V Murtzuphle, au nom étroitement associé à ces sourcils comme le pensaient au moins ses contemporains[40], rien n’est avancé du lien avec ses traits de caractère. Néanmoins, Chôniatès souligne dans le succinct portrait qu’il laisse de ce basileus qu’il fut quelque peu hautain ou présomptueux (φρονηματίας) (Nicetae Choniatae Historia, 565)…tout comme s’avèrent l’être des émissaires officiels de l’empereur germanique Henri VI, début 1196 face à Isaac II, du fait de leurs demandes arrogantes. Le fait ne retiendrait pas l’attention si l’aspect physique d’un des deux ambassadeurs n’avait pas été remarqué ni décrit par Chôniatès, qui retient de lui ses sourcils touffus précisément. Un élément, laissé sans commentaire, mais dont on ne peut qu’interroger la place lorsque l’on sait les prétentieuses demandes formulées alors par ces envoyés et, bien plus, leur comportement déplacé et moqueur en pleine cour face à l’empereur (Nicetae Choniatae Historiae, 476‑478 ; Drocourt, 2016, 113‑114).

    ÉMOTIONS, ALTERITES ET CHATIMENTS PILEUX AUTRES ENJEUX DES SOURCILS ET DES CILS

    À défaut des cils, les sourcils ont une autre dimension qui se doit aussi d’être soulignée pour le monde byzantin. Par la forme qu’ils prennent lorsque leurs détenteurs en font un « usage » volontaire, ils sont porteurs d’un autre message. Relever ou froncer ses sourcils, voire jouer avec, est une manière non dissimulée d’exprimer ses émotions, d’appuyer un point de vue émis, ou encore d’affirmer son autorité.

    La désapprobation ou la colère sont les deux premiers sentiments que l’on peut observer à l’appui des sources lorsque d’aucun fronce des sourcils. Face à l’empereur Andronic Comnène, le patriarche de Constantinople qu’est alors Théodose Boradiotès, ne peut cacher sa colère par ce geste, sans aucun doute d’autant plus visible que ces sourcils étaient épais – ce qu’indique de nouveau le précieux Nicétas Chôniatès. Un froncement qui révèle même ses pensées les plus profondes à l’endroit du basileus, et lors d’un moment de tensions et de rivalités entre empereur et patriarche comme Constantinople en est souvent le théâtre[41]. C’est à l’inverse l’empereur qui, à l’instar de Manuel Ier Comnène, peut exprimer sa colère intérieure par un identique mouvement des sourcils, sans plus de geste. Eusthate de Thessalonique, dans l’oraison funèbre qu’il rédige en l’honneur de ce basileus, note cette disposition physique. Il va même plus loin en comparant cette attitude, marquée par une contraction du dessus des sourcils (τὸ ἐπισκύνιον), avec celle du lion, métaphore relativement fréquente sous la plume des lettrés byzantins[42]. Et le célèbre métropolite de Thessalonique d’ajouter combien un tel geste suscitait la crainte pour celui qui passait devant le lion/l’empereur, sachant exhiber cet état d’esprit tout en limitant singulièrement son verbe et ses mouvements.

    De tels constats vont dans le sens d’un certain idéal statuesque comme il a pu être défini à l’endroit des basileis et de la manière dont ils apparaissaient, notamment à la cour[43]. Ils accompagnent la maîtrise de soi attendue du souverain, sans que ce dernier ne rogne sa propre autorité. Dans ce cadre, que le froncement de sourcils du souverain soit preuve de cette dernière est logique, et relève presque d’un lieu commun littéraire. Il renvoie aussi à l’exercice même du gouvernement impérial, avec tous ses questionnements et ses difficultés. Psellos peut ainsi vanter les sourcils froncés de Constantin IX lorsque ce dernier est plongé dans ses réflexions[44]. Plus largement, il est intéressant de repérer cette même attitude dans des contextes politiques tendus, lorsqu’un empereur doit faire face à un rival et usurpateur de pouvoir… quoi qu’il puisse signifier autre chose, ou concerner d’abord le rival en question. On soulignera ainsi, à partir d’Anne Comnène, l’embarras de son père Alexis lorsqu’il déjoue la conjuration de Nicéphore Diogène en 1094 : c’est un basileus assis sur son trône, mais au visage terrible (φοβερὸς), aux joues d’un rouge plus vif qu’à l’accoutumée, aux yeux fixes et aux sourcils froncés qui trahissent « les pensées dont son cœur était plein » qu’elle présente dans un tel contexte[45]. Inversement, l’usurpateur Isaac Comnène sur le point de défaire Michel VI et de s’emparer du trône en 1057, savait faire montre d’autorité et mâter ses troupes en les terrifiant d’un seul regard comme l’avance Michel Psellos, qui ajoute : « un simple froncement des sourcils le dispensait de recourir à tout châtiment corporel[46] ».

    Au reste, s’il est attendu que l’autorité naturelle et le gouvernement de ses émotions passent par le mouvement des sourcils chez le souverain ou celui qui prétend l’être, de telles dispositions sont aussi vraies dans un cadre plus privé. Psellos de nouveau en est un bon témoin, autant qu’une victime presque, ce qu’il suggère dans un autre texte, moins politique et plus personnel. Dans l’éloge funèbre qu’il rédige de sa propre mère, il relate combien le froncement des sourcils était chez elle le signe évident de sa colère… et des craintes qui l’accompagnaient pour Psellos lui‑même ou d’autres ! Le polymathe dit bien l’état d’esprit qui animait alors sa mère, en opposition du reste à d’autres éléments plus innés de son caractère comme sa douceur, sa conversation plaisante, sa mine enjouée, etc.[47]

    Ailleurs, c’est davantage le signe d’un dédain suffisant et nullement dissimulé auquel est associé la mobilité des sourcils. Très proche de son oncle Manuel Ier, Théodora arquait vers le haut ses sourcils lorsqu’elle entrait à la cour, s’assurant que le palais était propre. Et cela n’avait rien de surprenant si l’on suit la critique qu’en a laissée Nicétas Chôniatès, car ce dernier rappelle combien elle était hautaine par nature[48]. Le même geste est attesté pour la fin du VIe siècle, dans un contexte plus militaire, et ne semble pas avoir le même sens. C’est en effet par des sourcils fort relevés, « comme s’ils étaient prêts à quitter [son] front » que le khagan des Avars réagit aux propos calomnieux d’un ambassadeur byzantin que lui avait envoyé l’empereur Maurice. Cette forte contraction frontale et le visage rougi du khagan traduit sa colère face à l’émissaire officiel, puni par la suite[49]. On note ici qu’une même émotion, la colère, passe par un froncement des sourcils chez les Byzantins et, inversement, par leur haussement chez les Avars. Soulignons enfin que hausser les sourcils en signe de fierté ou de suffisance peut aussi prendre un sens allégorique, et ce jusqu’aux discours officiels. Dans l’un des panégyriques qu’il adresse au même Manuel Ier Comnène venant de subir l’épreuve de l’arrivée des soldats occidentaux de la seconde croisade sur le sol impérial, le rhéteur Manganeios Prodromos vante sa sagesse et sa patience face à la violence et la brutalité des croisés. Il invite ainsi la « vieille Rome » à ne point lever en vain ses sourcils par orgueil, à faire profil bas face à la nouvelle Rome, Constantinople[50].

    Derrière la critique, le lecteur peut aussi y saisir une marque d’altérité. Historiens et anthropologues savent mieux que quiconque combien la pilosité et le système pileux sont des marqueurs identitaires forts, définissant de ce fait un groupe et rejetant dans une altérité plus ou moins distincte ceux qui n’arborent pas le même poil (Bromberger, 2010, 115‑123 ; Pohl, 1998, 51–61 ; Renaut‑Lavergne, 2016, 389–394). Sans doute plus discrets que les cheveux et la barbe, les cils et les sourcils n’échappent pas à ce constat. Il ne faut pas toujours y voir, il est vrai, une altérité forte. Les sourcils broussailleux du prince rus’ Sviatoslav décrits en 971 par Léon le Diacre n’ont rien de proprement « russo‑varègue » – on en observe bien chez les Byzantins – ce qui n’est pas le cas pour l’épaisse moustache tombante ou la mèche bouclée qui pend d’un côté de sa tête complètement rasée[51]. En revanche, l’altérité est grande lorsque Michel Psellos livre un détail saisissant sur les mercenaires italiens qui aideront le rebelle Isaac Comnène à s’emparer du pouvoir en 1057. Il écrit ainsi que ces derniers « usent de couleur d’emprunt et épilent les cils de leurs paupières »[52]. L’information est de première main car Psellos s’est rendu en ambassade auprès d’Isaac et au nom de Michel VI qui finira par perdre son trône.

    C’est aussi là l’une des multiples différences sur le plan du système pileux entre Grecs et Latins, autrement dit Byzantins et chrétiens d’Occident – différences qui se feront d’autant plus jour avec la démultiplication des contacts entre les uns et les autres à partir du même moment et avec le long XIIe siècle des croisades (Auzépy, 2002, 9‑10 ; Auzépy, 2011, 79‑88 ; Drocourt, 2016). La distinction pileuse des prêtres des deux camps en est l’aspect le plus célèbre, mais pas unique. On doit toutefois considérer qu’elle est suffisamment acquise dans les esprits pour qu’elle finisse, avec d’autres divergences relatives à la pilosité, par bien opposer les uns et les autres de part et d’autre du monde chrétien. Il suffit de lire, une nouvelle fois, Nicétas Chôniatès pour s’en convaincre lorsqu’il se lamente sur la prise de Constantinople par les croisés en avril 1204. Rappelant les exactions commises lors de cet assaut, il souligne l’absence d’humanité des Latins concernés, n’ayant rien épargné, et c’est l’occasion pour lui de se livrer à une description allégorique du Latin assaillant et marqué de diverses caractéristiques : les « sourcils élevés » y sont dans ce cadre ciblés et associés à l’humeur fière, au « hausse‑cou doré », à la « barbe rasée », et la main prête à l’effusion de sang[53]. Cette mention des sourcils fait écho aux propos de Manganeios Prodromos évoqués plus haut, dans un discours officiel, à l’endroit de la fière « vieille Rome » à qui il demande de ne pas lever les sourcils, et l’invitant ainsi à rabaisser son orgueil[54].

    Enfin, les sourcils peuvent apparaître dans la documentation qui est la nôtre lorsqu’ils sont associés à des peines ou des châtiments corporels. S’attaquer aux cheveux et/ou à la barbe pour nuire à un rival ou adversaire est relativement fréquent dans les faits pour que les textes s’en fassent l’écho[55]. La mention qu’en donne même au XIIe siècle un auteur extérieur à l’Empire, le chroniqueur latin Guillaume de Tyr, est souvent indiquée en ce sens[56]. Le droit byzantin prévoit des peines légales, pour certains délits, qui conduisent à la tonsure (Patlagean, 1984, 415). Néanmoins, cette dernière concerne les cheveux et, dans les cas les plus graves, les peines visent les cheveux et la barbe[57]. Cils et sourcils ne semblent pas directement concernés. De ce fait, lorsqu’ils sont mentionnés dans les textes dans ces contextes de mutilations volontaires issues d’une décision politique et légale, ils constituent un écart notable. À ce stade de notre enquête, seuls deux cas ont pu être relevés. Le premier concerne, au début du IVe siècle, une sainte, Kyriaina. Originaire de Tarse, chrétienne, l’arrestation qu’elle subit pour cette raison sur décision du gouverneur romain de Cilicie ne lui fait pas abandonner sa foi… mais elle subit une triple peine : ses cheveux seront rasés, tout comme ses sourcils, avant qu’elle ne périsse par le feu[58].

    Le second exemple est celui évoqué en exergue du présent article. Le châtiment subi par le patriarche de Constantinople en 767 a ceci de remarquable qu’il passe par une démultiplication des peines physiques infligées (Theophanis Chronographia, 441). Comme dans le cas de Kyriaina, le supplice est public, et il a valeur exemplaire. La précision donnée par Théophane à l’endroit des « poils des sourcils » rasés sur ordre impérial n’est donc nullement secondaire ou anodine. Aux yeux des autorités impériales iconoclastes, il faut faire complète table rase des erreurs de croyance du plus élevé des hiérarques iconodoules, le patriarche ‑ certainement comme il fallait réduire à néant les croyances chrétiennes aux yeux d’un gouverneur païen, dans le cas de la sainte du début du IVe siècle. L’humiliation par le rasage complet de la tête et du visage, une mise à nu au sens propre, des résistants à l’autorité souveraine est totale dans les deux cas. Dans d’autres exemples attestés pendant la période iconoclaste, le rasage de la tête apparaît, associé au fouet notamment, mais les chroniqueurs grecs (Théophane et Nicéphore) ne précisent pas que les sourcils (et a fortiori les cils) sont visés[59]. Retenons pour finir les atteintes aux visages lors des combats liés à l’activité militaire. Plusieurs témoignages évoquent le cas de cheveux et des barbes maltraités, mais sans précision explicite relative aux cils ou sourcils[60]. Dans plusieurs cas toutefois, il est certain que ces poils ont eux aussi été concernés, sans là encore que les mentions soient aussi explicites dans les textes.

    EN GUISE DE CONCLUSIONS

    Comme pour d’autres poils et parties du système pileux humain des temps passés, il n’est pas toujours aisé de saisir le(s) sens des sourcils et des cils à Byzance. Ces derniers font sans doute encore plus jeu à part tant ils apparaissent rarement mentionnés dans les sources considérées. Il apparaît obvie, cependant, que les sourcils participent des éléments d’identité physique qui distinguent les uns des autres – autrement dit un moyen possible de reconnaissance faciale –, mais qu’ils participent aussi des critères de beauté comme de laideur, qu’ils révèlent des émotions fortes, qu’ils renvoient possiblement à une altérité et peuvent subir, comme d’autres parties (pileuses ou non) du corps, peines et châtiments. L’ensemble justifie que, comme pour les cheveux et les barbes, l’on en prenne soin, ainsi qu’en témoignent tant divers traités médicaux que les preuves répétées et millénaires de maquillage les concernant.

    Les clés de lecture physiognomonique peuvent constituer une porte d’entrée pour comprendre le sens que leurs auteurs pouvaient donner à telle ou telle forme de cils ou de sourcils, mais elles ne suffisent pas. Cette lecture semble en effet s’épuiser progressivement à Byzance au fur et à mesure du temps, quoiqu’elle affleure sous la plume de chroniqueurs restés célèbres, et ce jusqu’au XIIe siècle inclus (Michel Psellos, Nicétas Chôniatès). Observons cependant qu’un même attribut pileux relatif aux sourcils peut être diversement interprété au fur et à mesure des siècles, ou selon les auteurs qui en parlent – sans évolution nette dans un sens ou dans un autre.

    Indépendamment de ces lectures physiognomoniques, on doit relever que les sourcils se rejoignant (σύνοφρυς) constituent une caractéristique physique dans des visages de personnes historiques ou héroïques plutôt valorisées à Byzance. Ainsi en est‑il dans le cas d’Ulysse, de l’apôtre Pierre, ainsi que de saint Paul. Il est tangible même dans le cas de Constantin Doukas, fils de Michel VII, encore bébé lorsqu’il est décrit par Psellos : ses sourcils ne sont que « légèrement séparés à la racine du nez » ce qui laisse entrevoir, à l’évidence, qu’ils se rejoindront quand l’enfant grandira[61]. À l’inverse d’autres cultures, comme la nôtre, le monosourcil semble plutôt favorisé, avec ces cas. Nul besoin donc de s’en épiler la partie centrale, dans cette logique – et en respect des vives remontrances pour toute épilation qu’adresse un Père de l’Église comme Clément d’Alexandrie au début du IIIe siècle[62]. On trouve toutefois au moins une exception à cette valorisation des sourcils qui se rejoignent : l’empereur Phokas en était pourvu et leur mention sous la plume du chroniqueur Léon le Grammairien s’inscrit dans une description négative de ses traits physiques : visage enflé, cheveux en pagaille, apparence difforme du corps[63]. Inversement, le même aspect pileux des sourcils chez Basile Ier est plutôt présenté en bonne part sous la plume d’un autre chroniqueur[64]…alors qu’il deviendra un critère de laideur à l’époque des Paléologues, durant le dernier siècle de l’Empire[65].

    Même difficulté pour les sourcils touffus ou denses : on ne peut toujours en faire une lecture univoque. Ils peuvent traduire une spécificité, voire une étrangeté qui donnera son surnom au dernier empereur byzantin avant la chute de 1204 (Alexis V Mourtzouphle) ; ils peuvent être associés à un comportement fait d’arrogance et de ton hautain, comme dans le cas de l’émissaire de l’empereur germanique en 1196. Certes, on peut lire dans le corps et les gestes des barbares une inversion des valeurs byzantines – dans une lecture toute classique et grecque de l’opposition binaire entre vrais civilisés et barbares[66] – mais ce serait sans doute une lecture trop simpliste. On sait en effet pleinement trouver non seulement de la valeur mais aussi de la beauté aux femmes étrangères notamment que l’on marie à tel ou tel empereur, comme dans le cas de Marie d’Alanie ou de Mélisende de Tripoli, même si dans son cas l’union projetée ne se fera pas. Leurs cils et sourcils participent de leur valorisation physique et faciale, dans une lecture qui les valorise plutôt arqués, tout du moins aux XIe‑XIIe siècles[67]. Une étude comparée des représentations iconographiques des visages, impériaux notamment, sur les monnaies, les sceaux et sur d’autres supports ayant reproduit des portraits mériterait d’être menée sur ce point en particulier. À première vue, si les cils demeurent invisibles car non représentés, les sourcils le sont davantage – et l’on y observe tant le cas de sourcils idéalement arqués que, pour d’autres, des sourcils se rejoignant[68].

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    [1]. Vers 173 : « εὔκυκλος ὀφρῦς, εὐφυεῖς βλεφαρίδες ».

    [2]. Les exemples et analyses qui suivent se concentrent sur la période médio‑byzantine, avec plusieurs incursions dans la période en amont, entre IVe et VIe siècles ; en revanche je n’aborderai guère ici d’exemples relatifs à la période finale, celle associée à l’Empire de Nicée et à la dynastie des Paléologues.

    [3]. La barbe en particulier est un élément d’identification ethnique des Grecs et « Orientaux » sous la plume d’auteurs latins dans la seconde partie du Moyen Âge : cf. C. Rouxpetel, 2015, 170‑176 ; Drocourt, 2016, 109 et s.

    [4]. Se rendant en pèlerinage à Jérusalem, il traverse plusieurs États avec ses compagnons, « munis de deux lettres » donnant « description de [leurs] visages » et décrivant leur itinéraire : Itinerarium Bernardi, monachi franci (1874), éd. T. Tobler, Descriptiones Terrae Sanctae ex saeculo VIII, IX, XII et XV, Leipzig : J.C. Hinrich, III, p. 86.

    [5]. Ioannis Malalae Chronographia, 193‑194. Cf. Dagron, 2007, 87 ; Kokoszko, 1998, 155 et s. pour le commentaire.

    [6]. Je reprends les traductions que propose Dagron, 2007, 160.

    [7]. Browning, 1975, 15‑33 ; comme le souligne Dagron, 2007, 125 : « l’Iliade [et] l’Ancien Testament (…) servaient également [à Byzance] à l’apprentissage de la lecture, de la mémoire et de l’éducation des sentiments ».

    [8]. Dagron, 2007, 128, et 259, n. 57‑59, pour le renvoi aux écrits de ces trois auteurs byzantins, et qui rappelle qu’Isaac Porphyrogénète est le troisième fils de l’empereur Alexis Ier Comnène.

    [9]. Dagron, 2007, 135 ; au total les sourcils sont mentionnés pour six combattants seulement, sur les vingt‑sept décrits au total.

    [10]. Sur 74 au total, cf. Head, 1980, auquel il convient toutefois d’ajouter les remarques et compléments de Baldwin, 1981.

    [11]. Ammien Marcellin, (1977), Histoires, éd. et trad. J. Fontaine, Paris : Les Belles Lettres, t. IV, livre XXV, IV, 22, 186‑187.

    [12]. Nicetae Choniatae Historiae, 561. Ce sobriquet est aussi attesté chez un autre contemporain, Georges Akropolites : Acropolitès, Chronique du XIIIe siècle. L’Empire grec de Nicée, (2012) texte traduit par J. Dayantis, Paris : Les Belles Lettres, § 3, 6, et § 69, 111‑112. Un seul autre empereur s’est vu attribué un surnom lié à son système pileux, Constantin IV Pogonat, le Barbu, qui a régné entre 668 et 685, cf. Baldwin, 1981, 19.

    [13]. Il conviendrait davantage d’y lire le sens de « mélancolique » ou « renfrogné » comme le soutient Symeonides, C. (1985), « Παραλειπόμενα στὴν ἑρμηνεία τοῦ βυζαντινοῦ παρωνυμίου Μούρτζουφλος », Byzantina, 13/2, 1619‑1628 ; cf. Brand, C.M., (1991) « Alexios V Doukas », dans Oxford Dictionary of Byzantium (désormais ODB), Oxford : Oxford University Press, t. I, 66. Il n’en reste pas moins que ce sobriquet demeure, et devient un nom de famille : Cheynet, 1996, 293.

    [14]. Voir en particulier les éléments synthétiques et suggestifs de Hatzaki, 2010 ; et plus largement Hatzaki, M. (2009), Beauty and the Male Body in Byzantium. Perceptions and Representations in Arts and Texts, New York : Palgrave MacMillan.

    [15]. Il conseille par exemple à tout homme qui se rend à l’église de ne point fixer « les beautés féminines », mais « yeux baisser » de regarder plutôt vers l’autel : Kékauménos, 129.

    [16]. Radle, 2019, 1089‑1093, précise que le voile complet du visage semble avoir été très rare (1092).

    [17]. Nicetas Choniatae Historia, 53‑54.

    [18]. Voir sur ce point les références et renvois à la bibliographie de Simpson, A., (2021), « The Imperial Feminine in Niketas Choniates », in Vasiliki Vlysidou (éd.), Byzantine Authors and their Times, Athènes : National Hellenic Research Foundation, 270‑271. C’est après sa mort, ca. 1160, que Manuel Ier cherchera une nouvelle épouse, se tournant, dans un premier temps, vers le comte de Tripoli (voir note 1).

    [19]. A. Kazhdan et A. Karpozilos, « Cosmetics », ODB, t. I, 536, avec les références. Les impératrices des XIe‑XIIe siècles font un usage régulier de tels artifices pour leurs visages, déduction faite des textes : Garland, 1994, 300 et 312.

    [20]. Emmanuel, 1995, 770‑771, avec les références. La critique de ces théologiens peut s’étendre aux bijoux dont se parent les femmes, cf. Cameron, A., (2006), The Byzantines, Malden‑Oxford‑Victoria : Wiley‑Blackwell, 125, qui insiste sur l’usage récurrent de ces éléments de beauté, maquillage et bijoux.

    [21]. Sur le rôle politique de Zoé, qui n’a toutefois pas régné seule comme Théodora (de janvier 1055 à août 1056), voir désormais Limousin, E. (2014), « Zoé : derrière l’image et les mariages. Une politique ? », dans Elisabeth Malamut et Andreas Nicolaïdès (éd.), Impératrices, princesses, aristocrates et saintes souveraines de l’Orient chrétien et musulman au Moyen Âge et au début des Temps modernes, Aix‑en‑Provence, 71‑83, qui rappelle notamment, p. 75, que les deux sœurs ont régné seules et ensemble entre avril et juillet 1042.

    [22]. Michel Psellos, t. I, p. 120, où le passage renvoie à l’œil et au sourcil au singulier, mais on peut le traduire au pluriel, œil et sourcil allant de pair : Garland, 1994, 32.

    [23]. Anne Comnène, III, II, 4, t. I, 107‑108, qui finit en prétendant que le corps de l’impératrice – qui n’est plus de ce monde lorsqu’elle la décrit – était « une œuvre d’art vivante, un ravissement pour les hommes épris de beauté ». Sur Marie d’Alanie, voir désormais : Garland et Rapp, 2006. Notons enfin qu’un portrait écrit posthume d’Anne Comnène présente aussi les sourcils de celle‑ci en forme d’arc : Garland, 1994, 268.

    [24]. On est ici au seuil d’une lecture physiognomonique qui sera détaillée plus bas.

    [25]. Liudprand de Crémone, ambassadeur de l’empereur germanique Othon Ier, mal accueilli en 968 sur le Bosphore : Relatio de legatione constantionopolitanae, §3, dans Liudprand de Crémone, (2015), Œuvres, présentation, traduction et commentaire par François Bougard, Paris : Editions du CNRS, 368‑369 ; cf. Drocourt, 2016, 112‑113.

    [26]. Iliade, XV, 608. On soulignera que ce trait particulier n’est pas indiqué par le Pseudo‑Diktys de Cnossos évoqué plus haut, cf. Dagron, 2007, 130.

    [27]. Les écrits de Galien ont eux aussi jeté un regard et des recettes de soins sur le sujet de la perte des cils et des sourcils, en lien avec certaines pathologies (Lascaratos et al., 2004, 400, avec les références). Rappelons que la pensée aristotélicienne, relayée dans le monde byzantin, attribue la chute des cils aux plaisirs de l’amour, « et en plus on use, plus ils tombent vite » (Histoire des animaux, III 11, 518b) ; citée par Brûlé, 2015, 85, n. 111).

    [28]. Wilgaux, 2019, 494 ; Swain, 2007 (je remercie Jérôme Wilgaux pour l’indication de cette référence) ; voir en outre : Anonyme Latin.

    [29]. C’est encore plus sensible dans ce qui suit la description physique de ce basileus : « sa démarche ne se traduit point par un pas précipité et comme désordonné ; elle n’est pas non plus paresseuse et nonchalante : elle est telle qu’un musicien traitant des levés et posés ne pourrait que la louer ; et le son de sa voix est harmonieux et bien rythmé ; sa parole ne s’épanche pas en un courant qui bouillonne avec bruit, et elle n’est ni obscure ni difficile à saisir » : Michel Psellos, t. II, 175.

    [30]. Jouanno, 2003, 208, n. 20. Ce même terme figure dans le passage mentionné plus haut au sujet de sourcils et des yeux de Marie d’Alanie : Anne Comnène, III, II, 4, t. I, 108 ; voir aussi Kokoszko, 1998, 112.

    [31]. Michaelis Pselli Orationes panegyricae, Orat. 4, 67 (l’index de ce volume sub verbo « ὀφρῦς », 208, demeure très incomplet). Dans l’éloge qu’il rédige pour sa mère, il avance que « la beauté de son corps donnait l’image de la forme de son âme » : Michel Psellos, Portraits de famille, 42‑43.

    [32]. Voir les références et renvois de Lauritzen, 2013, 92‑3, qui avance ainsi que la physiognomonie « was a well‑known science ».

    [33]. Constantin Doukas est le fils de Michel VII et de Marie d’Alanie, évoquée plus haut et célébrée pour sa grande beauté.

    [34]. Cette mention des sourcils, pour un très jeune enfant, ne saurait surprendre d’un point de vue de la biologie aristotélicienne : cheveux, cils et sourcils relèvent des poils qui existent chez l’homme dès la naissance (συγγενεῖς), à la différence d’autres (poils du pubis, des aisselles ou du menton), d’après Aristote (Histoire des animaux, III, 11, 518a 19‑24), auteur et théories connus à Byzance, cf. Brûlé, 2015, 86‑87, qui souligne que cette distinction est déjà présente chez les Hippocratiques.

    [35]. Michel Psellos, t. II, 178‑179 ; ce Constantin, toutefois, ne deviendra jamais souverain de l’Empire, mourant jeune après avoir été fiancé à Anne Comnène, cf. Malamut, 2007, 9. Anne a laissé une description de lui, évoquant ses yeux « pareils à ceux des faucons, brillants sous les sourcils comme dans un chaton d’or » : Anne Comnène, Alexiade, III, I, 3, t. I, 104. Sur la douceur dans la lecture des traités physiognomoniques : Lauritzen, 2013, 95‑96.

    [36]. Il est notamment considéré comme supérieur à l’ouïe, Ierodiakonou, 2020, et, pour les héritages antiques : M. Pardon‑Labonnelle, « Yeux », dans Bodiou‑Mehl, (2019), 663‑664, plus largement.

    [37]. Anonyme latin, § 18, 65‑66, avec les renvois à d’autres traités de physiognomonie pour lesquels les interprétations ne sont pas toujours identiques.

    [38]. Dagron, 2007, 111. Observons à sa suite qu’il n’y a pas d’entrée sous le nom de « Physiognomony » dans l’ODB, (ouvrage encyclopédique le plus complet à ce jour sur le monde byzantin) ni de chapitre spécifique qui lui aurait été consacré dans des ouvrages collectifs récents qui ont valeur de synthèse de nos savoirs modernes comme l’Intellectual History of Byzantium, éd. A. Kaldellis et N. Siniossoglou, Cambridge, 2017, ou dans Stavros Lazaris (éd.), A Companion to Byzantine Science, Leyde‑Boston : Brill.

    [39]. Comme l’a étudié Kazhdan, 1990 ; l’auteur de cette étude relève seize occurrences des sourcils mais aucune pour les cils (Kazhdan, 1990, 96).

    [40]. Voir plus haut, note 13.

    [41]. Nicetae Choniatae Historia, 253. Sur cette rivalité, dans ce cas précis, voir Grünbart, 2011, 26‑29.

    [42]. Not composed in a Chance Manner. The Epitaphios for Manuel I Komnenos by Eusthatios Thessalonike (2017), éd. et trad. E. Bourbouhakis, Uppsala, § 27, p. 28‑29, où il est question de la colère de l’âme pour Manuel (τὸ δὲ θυμούμενον τῆς ψυχῆς) ; cette métaphore léonine est aussi présente chez Psellos (Michaelis Pselli Orationes panegyricae, Orat. 4, 68, lignes l. 309‑310), et elle peut renvoyer à l’Iliade, XVII, v. 136. Plus largement sur le lion associé aux empereurs et au pouvoir impérial dans la littérature byzantine, voir désormais : Schmidt, 2020, 75‑122, en particulier, p. 93‑101.

    [43]. A. Kazhdan, « Body Language », ODB, t. I, p. 299‑300.

    [44]. Michaelis Pselli Orationes panegyricae, Orat. 1, 8, lignes 161‑162, et le rhéteur de comparer ainsi l’empereur à Xénocrate ou Héraclite. Voir le commentaire de Lüthi, 2007, 537, qui souligne que ces sourcils froncés, associés à d’autres attributs comme la barbe, sont typiques de la représentation littéraire du philosophe dans la culture grecque classique.

    [45]. Anne Comnène, IX, IX, 2, t. II, 181‑182. Sur le contexte : Cheynet, 1990, 98‑99. Plus tard, de fausses rumeurs à l’endroit d’Isaac II ajoutées à la pression des barbares sur les frontières impériales, le conduisent à « froncer les sourcils », métaphore de Chôniatès pour traduire l’embarras du basileus : Nicetae Choniatae Historia, 431.

    [46]. Psellos, t. II, p. 87. Sur ce trait de caractère, cf. Jouanno, 2003, 208, n. 17. L’air impérieux peut aussi être associé à l’apparent froncement de sourcils, comme dans le cas de Théodora, épouse de Justinien (527‑565), d’après Procope de Césarée (Anekdota, X, 11), quoique cette contraction lui était naturelle et non forcée d’après lui, cf. Kokoszko, 1998, 42.

    [47]. Michel Psellos, Portraits de famille, 68‑69, et voir n. 1.

    [48]. Nicetae Choniatae Historia, 204, où Chôniatès souligne aussi qu’elle entretenait des relations sexuelles avec Manuel Ier. S. Lüthi, 2007, 537, rappelle que dans la langue familière et dans la culture comique grecque classique, lever les sourcils est signe de vanité et de componction.

    [49]. The History of Theophylact Simocatta, (1986), I, 6, 1, éd. et trad. M. Whitby et M. Whitby, Oxford: Oxford university Press, 28. Je remercie Pierrick Gerval d’avoir attiré mon attention sur ce passage.

    [50]. Manganeios Prodromos, Poème 24, cité par Roche, 2020, 162, n. 83. Sur les sourcils relevés, voir les exemples tirés du monde grec classique (Brûlé, 2015, 177).

    [51]. Léon le Diacre, IX, 11, 185‑186, qui ajoute que cette mèche était « marque de la noblesse de sa naissance ».

    [52]. Michel Psellos, t. II, 97, où comparaison est faite avec d’autres mercenaires au service d’Isaac, des Turcs petchénègues qui, eux, « conservaient leur coloration naturelle ».

    [53]. Nicetae Choniatae Historia, 575, où d’autres parties du corps sont convoquées de manière métaphorique par le chroniqueur.

    [54]. Inversement, les « sourcils froncés » peuvent constituer la métaphore qui vise à signifier l’infortune du destin politique d’un empereur, quand le « sourire » est lui synonyme d’un temps plus favorable : Anne Comnène, III, I, 1, t. I, 103.

    [55]. Voir par exemple, au sein de sources déjà citées : Kekauménos, 152 ; Nicetae Choniatae Historia, 265, 341, 421 ; Anne Comnène, VIII, VIII, 3, t. II, 150, etc. (liste non exhaustive) ; voir les réflexions de Auzépy (2002, 10), et les exemples de Drocourt (2016, 124‑132).

    [56]. Willelmus Tyrensis Chronicon (1986), XI, 11, éd. R.B.C. Huygens, Turnhout : Brepols, 511, qui avance que « [Les chrétiens d’Orient] entretiennent leur barbe avec le plus grand soin, et s’il se trouve par hasard qu’un de leurs cheveux en soit arraché, ils le considèrent comme le plus haut degré de l’injure (iniuria) et de l’ignominie (ignominia) » ; passage relevé par Brûlé (2015, 11), Drocourt (2016, 111 et n. 13).

    [57]. Je me range à l’interprétation d’Auzépy (2002, 2).

    [58]. Emmanuel, 1995, p. 771, avec ses références ; l’épisode se déroule sous le règne de Galère (305‑311).

    [59]. Voir les éléments et renvois aux sources. Cf. Auzépy (2002, 3, n. 12).

    [60]. Voir par exemple : Alexiade, XIII, III, 6, t. III, 97‑98 ; voir aussi le cas d’un émissaire arabe dont la barbe prend feu à la suite de la lettre dont il est porteur (Drocourt, 2016, 130).

    [61]. Dans un autre discours élogieux à l’endroit de son petit‑fils, un nourrisson, Psellos met en exergue les regards, premiers rires et mouvements de son sourcil : Michel Psellos, Portraits de famille, 278‑279.

    [62]. Clément d’Alexandrie, (1970), Le Pédagogue, Livre III, trad. C. Mondésert et C. Matray, Paris : Sources chrétiennes, cité par Sidéris, 2011, 100‑101, sans précision toutefois, dans ce passage, des poils précis concernés par cette épilation, même s’il est question du « corps tout entier ».

    [63]. Leo Grammaticus (1842), Chronographia, éd. I. Bekker, Bonn, 143 ; cf. Head, 1980, 230.

    [64]. Le Pseudo‑Syméon (1842), éd. I. Bekker, Bonn, 686 ; cf. Head, 1980, 232.

    [65]. Hadzaki, 2010, 96 (à partir d’un concours de beauté décrit dans le roman Velthandros et Chrysandza).

    [66]. Répétons ici le cas du khan des Avars, à la fin du fin VIe siècle, qui, pour signifier sa colère, ne fronce point mais hausse de manière inconsidérée les sourcils, tel que le présente Théophylacte de Simokatta : voir plus haut note 49.

    [67]. Voir les constats de Garland, 1994, 267, qui souligne que comme les joues roses, les yeux bleus ou l’ovale du visage, les sourcils arqués relèvent alors des attendus de la beauté, tant masculine que féminine.

    [68]. Voir ainsi le cas des monnaies rassemblées dans Gittings, 2003. De longs sourcils arqués, ne se rejoignant pas, touchant chacun la base du nez, apparaissent sur le visage représentant Michel VII, de même que sur celui de son fils Constantin, sur la couronne dite « de saint Etienne » encore conservée – à comparer avec les portraits de Jean II Comnène et l’impératrice Irène, et ceux de Constantin IX et Zoé, sur les célèbres mosaïques de l’église Sainte‑Sophie : cf. Cutler et Spieser, 1996, fig. 260, 261, 267 et 287. Liste non exhaustive.