Peau du cheval, peau du cavalier entre corps et langage. Des expériences corporelles intenses, voire intimes, aux expressions de la langue française

2,00
0 out of 5 based on 0 customer ratings
- +
  • Description

    Patrice REGNIER

    Maître de conférences en STAPS (Sociologie), Université Catholique de l’Ouest – Bretagne Sud, membre associé au VIPS2 (UR 4636), F-35000 Rennes, France.

    Référence électronique
    Régnier P.., (2024), « Peau du cheval, peau du cavalier. Entre corps et langage », La Peaulogie 11, mis en ligne le 28 octobre 2024, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/peau-cheval-cavalier

    Résumé

    Aujourd’hui, les relations anthropo‑équines sont le plus souvent réduites à une dimension sportive parfois restrictive et limitée à la performance. Pourtant, au sein même des sports équestres dans leur diversité (steeplechase, concours d’obstacles, de dressage, représentations de cirque, rodéos, épreuves d’endurance, d’attelage, etc.), ces relations dépassent très largement la réalité performative et débutent bien en amont de la mise en scène devant un public , elles sont considérées dans le milieu professionnel du cheval, largement d’ailleurs, comme une des conditions de la réussite du duo. Elles sont, au surplus, bien au‑delà de ce seul mode relationnel. Les pratiquants, qu’ils soient inscrits en club ou non, « touristes » ou non, propriétaires ou non, vivent une relation sensible, intime, qui se construit, consciemment ou non, durant les moments qu’ils passent avec leur compagnon équestre de quelques heures ou d’une vie. Ces relations mettent en jeu tous les sens des chevaux et des humains. Elles constituent une relation corporelle, peau à peau, dont le niveau d’intimité dépasse largement celui autorisé entre humains. Cet article présente cette intimité qui s’expriment dans le langage courant et témoignent de cette relation pluriséculaire. Il propose de comprendre à quel point cette relation imbrique les corps et les esprits des deux espèces en interaction.

    Mots-clés

    Peau, Cheval, Humain, Interaction, Langue française

    Abstract

    Today, anthropo‑equine relationships are most often reduced to a sporting dimension that is sometimes restrictive and limited to performance as such. However, within equestrian sports themselves (steeplechase, obstacle, dressage, circus representations, rodeos, endurance, horse‑drawn carriage…) those relationship goes far beyond the simple performative reality and begins well upstream of the public show‑off; it shall also widely be considered for profesionnals to be one of the conditions for success of the duo. They are, moreover, well beyond this unique relational mode. All the practitioners, whether they are from a club or not, “tourists” or not, owners or not, are in an intimate and sensible relationship which is built, consciously or not, sometimes without trully realizing it, during the moments they spend with their horse companion of a few hours or a lifetime. Those relations involves all the senses of horses and humans. It is a bodily relationship, skin to skin, whose level of corporal intimacy goes far beyond what we allow to most of our fellow human beings. This article proposes to expose this intimacy which even affects the language and expressions that we sometimes use and which bear witness to this centuries‑old relationship. It proposes to understand to what extent this relationship interweaves the bodies and more widely spirits of the two species interactions.

    Keywords

    Skin, Horse, Human, Interaction, French expressions

    INTRODUCTION

    Lors de l’étude menée (2014) dont la réflexion fut poursuivie en 2016, nous avons analysé précisément ce que peut représenter la relation humain‑cheval à partir d’une expérience personnelle d’apprentissage de la pratique. Elle prend les contours d’une relation corporelle de premier plan constituant une forme de langue des signes inventée par les humains pour se faire comprendre des chevaux et autoriser l’action commune. À l’époque, nous avions seulement survolé ce que la langue française exprimait de l’importance du cheval dans l’évolution de notre société au travers des expressions toujours employées jusqu’à nos jours : « aucun animal n’a marqué la langue comme le cheval » (Raimbault, 2011, 17). Une pratique langagière usuelle qui, sans doute, est le témoin de l’omniprésence du cheval dans la société par le passé. Cette attention aux expressions langagières permet en outre de focaliser sur les représentations sociales, affectives, culturelles, etc., qui entourent cet animal. Hélène Roche (2023) rappelle récemment l’importance de l’anthropocentrisme des termes équestres. Cet anthropocentrisme est pour les chercheurs actuels capital, à notre sens, pour mobiliser une sociologie n’analysant plus uniquement l’humanité[1]. Mais quid de cet anthropocentrisme, et même de cet anthropomorphisme, quant à la corporéité même, aux peaux en contact, et comment traduisent‑ils la proximité sémantique, symbolique, mais aussi réelle qui existe entre les deux espèces ? Nous tâcherons de comprendre, au travers de notre réflexion de montrer par l’omniprésence des contacts, dans les dimensions corporelles et langagières, comment se traduit l’intimité existante au sein des sociétés anthropo‑équines. Nous porterons notre attention sur la richesse que représente la proximité, si ce n’est l’intimité corporelle entre cheval et cavalier et en quoi elles nous renseignent sur les spécificités de ces relations inter‑espèces. Nous présenterons une mise en relation du discours équestre lié au corps équin tel qu’il a pu être enregistré sur le terrain d’enquête ethnographique. Nous élaborerons notre réflexion sur les usages du cheval en selle, puis à côté de lui. Cette réflexion débouchera sur un rappel des expressions et des formes qu’elles prennent quand elles se réfèrent au domaine équestre.

    L’INTIMITÉ CORPORELLE ENTRE CHEVAUX ET HUMAINS : L’INTERACTION DANS SA PLUS STRICTE EXPRESSION

    L’étude menée durant la thèse (2014) a été l’occasion pour l’enquêteur de s’investir au plus haut degré dans la relation humain‑cheval. L’étude a été réalisée dans quatre centres équestres durant trois ans. Elle a permis la rédaction d’un carnet ethnographique au sein duquel sont retenues les informations qui ont permis de faire état d’un apprentissage « par corps » au travers d’une méthodologie mêlant observation participante et participation observante (Andrieu, 2011, 2011/2). Par ailleurs, le vécu a été constitué par l’expérience de propriétaire de chevaux que l’enquêteur a été avant et bien après la conclusion des recherches effectives, enrichissant ainsi l’ensemble des connaissances et expériences de ce qui constitue la relation anthropo‑équine intime (Régnier, Héas, Héas, 2024). Ce travail a été mené dans une logique d’ethnologie énactive (Wacquant, 2015). Ces données ont été, enfin, complétées par la réalisation de 50 entretiens retranscrits et analysés afin de permettre une confrontation des expériences vécues et, partant, une généralisation des éléments récupérés sur le terrain. Une partie de ces données a été retranscrite dans l’opus de 2016, mais nous allons ici nous projeter au plus près de la relation peau à peau que constitue la relation.

    Elle met en effet en jeu une interaction dans laquelle les corps sont complètement engagés. Les sensations passent par tous les capteurs biologiques possibles : l’odorat, l’ouïe, la vue, le toucher et le goût sont sollicités, tour à tour ou en parallèle, et l’humain est amené au travers d’éléments techniques a priori complètement décorrélés de la relation, à apprendre les rites d’interaction (Goffman, 1974) attendus de lui. Ces attendus ne sortent pas ex nihilo. Bien qu’à l’époque de leur rédaction la science n’ait pas encore connu son développement tel que nous le connaissons aujourd’hui, les traités d’équitation successifs montrent les techniques mises en œuvre pour progressivement se trouver au plus près des compréhensions possibles du cheval (Franchet d’Espèrey, 2008, 2009). Les éthologues nous apprennent volontiers l’étendue des capacités biologiques des chevaux et comment ils perçoivent le monde (Roche, 2008), leur Umwelt (Feuerhahn, 2017). Ce dernier diffère du nôtre et conditionne notre manière de percevoir le monde. C’est lui qui définit de fait notre manière de faire société, à la fois avec nos congénères et avec les autres espèces. Ainsi, chevaux et humains sont des objets tout autant observables du point de vue de la sociologie, puisqu’il est vraisemblable que la socialisation se fasse tout autant avec les autres humains qu’avec les autres espèces en fonction de la distance, de la symbolique qui s’y rattachent (Régnier et Roche, 2020, 2021 ; Régnier, Leroux, Héas, 2024).

    L’expérience cavalière n’a donc pas duré que le temps de la thèse mais a démarré avant pour se terminer (a priori) quelques années après. En effet, de 2006 à 2023, l’enquêteur a été « propriétaire » (au sens juridique du terme) de chevaux à domicile. L’apprentissage de la relation a donc été suffisamment prolongé pour que l’ensemble des expériences (et, partant, des émotions) puissent être abordées et analysées y compris dans leurs répercussions affectives et familiales (Régnier et al., 2024). La distance au cheval, à côté ou dessus, équipé ou à cru, témoigne de l’importance des corps dans la relation.

    À CÔTÉ DU CHEVAL

    Dès les prémisses de son apprentissage, le cavalier encadré va apprendre dans un premier temps à aborder un cheval au pré, à se positionner pour le déplacer ou pour se déplacer autour de lui. Très vite, le contact physique est favorisé. Les pratiques d’équitation dite « éthologique » portent un intérêt particulier au premier abord avec le cheval, avant même tout contact physique. L’attitude engagée dans la relation par la position corporelle est immédiatement lisible par le cheval qui dispose d’une acuité visuelle qui lui permet de percevoir de très loin un éventuel impétrant de son espace[2]. Une fois approché, la pose du licol est favorisée par un contact antérieur, permettant d’engager la relation. Une fois récupéré, il convient de procéder au « pansage », c’est‑à‑dire au nettoyage du cheval. Enseignée dans tout centre équestre, cette pratique a pour but de préparer le cheval à la monte. Elle est le premier contact prolongé effectif, médié certes par une brosse, mais aussi par la main qui parcoure le corps du cheval à la recherche de la moindre blessure, coupure de la peau, surtout au niveau du dos, avant d’y apposer la selle . C’est là que des signaux d’urgence peuvent être perçus, une absence de bruit de digestion qui signe un début de colique, une peau blême aux commissures des lèvres, un coup de queue qui fouaille les flancs et le cavalier par la même occasion. À de nombreuses reprises, au sein de sa vie de propriétaire, l’enquêteur s’est vu en situation d’appeler le vétérinaire afin de procéder aux soins nécessaires à la bonne santé des équins qu’il avait en responsabilité.

    « Si ton cheval n’est pas bien, ça va être à toi de le deviner. Donc t’as des choses à faire quand tu sors ton cheval, tu passes tes mains sur les sabots pour savoir s’ils sont chauds, sur les tendons, pour savoir si c’est tout propre, s’il n’y a pas de blessure. Quand tu brosses ton cheval, t’utilises ta brosse et ta main, puis tu passes ta main sur la peau du cheval, pour savoir si «hop, ah tiens, là y a une égratignure, qu’est‑ce que c’est ?» Parce que ce n’est peut‑être rien du tout, mais le seul problème, c’est que si c’est au niveau de la selle, ça va s’abîmer, ça va faire une croûte, et puis le cheval va boiter à la fin. »

    (Jean Compétrois[3], 50 ans, face à face)

    Le moment qui consiste à préparer un cheval (ou simplement le nettoyer sans le monter) est une expérience de la salissure qui participe de la socialisation du cavalier. Selon la quantité de terre (ou de boue les jours de pluie) récupérée par le cheval durant le temps pendant lequel il a vaqué à ses occupations, l’opération qui consiste à rendre « beau », le poil lisse et brillant du cheval va se faire dans un nuage plus ou moins épais de poussières, qui se retrouvera tant sur le cavalier que dans les cheveux, sous les ongles… Grattez les poils du cheval et vous aurez les doigts noirs. Mais le plaisir de le voir exercer des mimiques de satisfaction sous l’effet de ces grattages de peau vaut cent fois ce tout petit inconvénient. Curer les pieds, en enlever des cailloux, de la boue ou du crottin se fait au cure‑pied, mais la main est souvent appelée à participer à l’ouvrage. Toutes ces saletés, ces impuretés (Douglas, 2005), qui à l’initial sont parfaitement intolérables, selon le niveau atteint classiquement en Europe par le processus de civilisation relatif à l’hygiène (Elias, 1973), sont alors parfaitement acceptés par les humains dans l’intimité de la relation immédiate ou de long cours que représentent les relations anthropo‑équines. C’est aussi un moment propice pour « prendre la température », au sens littéral à même la peau, puisqu’un cheval trop chaud nécessitera d’être refroidi ou laissé au repos, et au sens figuré car ces contacts répétés permettent de connaître l’humeur d’un partenaire éventuel et donc la « couleur » que prendra la séance. C’est, peut‑être, le moment de décider s’il s’agira d’un travail monté, d’un travail à pied ou de pas de travail du tout… C’est enfin pour certains chevaux le moment de contacts favorisés, avec la bouche qui vient gratter l’épaule, la peau du dos ou des fesses, lors d’un curage de pied, d’un frottage de nez contre le torse, d’une jument motivée pour passer un moment sur le cercle de longe.

    Carnet ethnographique, cours d’équitation éthologique du 31 octobre 2009 :

    Nous allons revoir comment, selon la formatrice, nous devons entretenir le cheval. L’on revoit les différentes brosses utilisables : étrille américaine (sert à enlever les grosses plaques de boue), étrille finlandaise (dépoussière et masse le cheval, à passer sur les parties charnues), brosse dure (peut passer pratiquement partout, plus ou moins fort selon le cheval), brosse douce (peut passer absolument partout) …

    EN SELLE À CHEVAL

    Les efforts consentis lors de l’exercice équestre produisent immanquablement de la sueur de la part des deux protagonistes. Bien que le sens commun tende, on l’a vu chez d’autres auteurs[4], à considérer le cavalier comme un pilote, voire un passager y compris parfois par les spécialistes eux‑mêmes, l’enquêteur ne peut qu’affirmer la prégnance de l’effort corporel mutuel. La sueur qu’il a pu évacuer par les pores de sa peau durant les exercices et les immanquables courbatures post‑pratique… au moins lors des premières séances en témoignent manifestement à même la peau et le corps. Les chevaux, très investis, « trempent le tapis », la sangle de la selle et nécessitent un brossage énergique pour faciliter le séchage des poils après la séance. Apprendre à composer, voire à apprécier l’odeur particulière qu’exhalent les chevaux après la pratique est partie prenante de la socialisation cavalière. Pratiquer l’équitation est tout simplement une relation en corps à corps, de peau à peau même, qui implique une compréhension certes intellectuelle, mais surtout et avant tout corporelle, voire haptonomique. Ainsi, la place du bassin est primordiale, surtout lorsqu’il s’agit de maîtriser les techniques du trot ou du galop assis. Les mouvements du bassin, basculant en permanence entre rétroversion et antéversion, « astiquent [5]» la selle et favorisent contrôle et communication.

    Carnet ethnographique, cours d’équitation classique du 25 octobre 2011 :

    [Le moniteur] insiste énormément sur le ressenti et le corporel [et] demande un appui sur la jambe qui pousse le cheval […] Le corps reste aligné, la jambe de pression appuie contre l’épaule et le reste du corps pousse d’un seul ensemble dans la même direction […] Je lui fais part d’une incompréhension. Au trot assis, tout comme au galop, d’ailleurs, il faudra faire le même travail que nous faisons ici au pas et sans étrier. Je ne sais pas comment envoyer mon bassin vers l’avant, tout en déplaçant mon corps sur le côté pour obtenir cet effet. H me répond qu’il faut le faire. Point. Ce qui m’avance peu. Il me demande, au trot ou au galop, comment je fais pour maintenir l’allure de mon cheval ou le faire accélérer. Je réponds avec les talons et l’assiette. Il me répond donc que c’est pareil. Si j’arrive dans un trot ou un galop à faire cette demande, il en sera de même pour le déplacement des épaules, puisque le travail que nous faisons vise à obtenir un niveau encore supérieur en dressage : l’épaule en dedans. Je comprends intellectuellement ce que me dit H, mais certainement pas corporellement, en tous cas pas encore. H me concède que le cheval sur lequel on travaille joue énormément, son niveau, ses déplacements, sa conformation, bref, […] sa corporéité.

    Cette selle, en cuir le plus souvent, mais parfois synthétique, que l’on trouvera dans tous les centres équestres, est souvent adaptée au cheval à qui elle est attribuée. C’est une autre affaire quand il s’agit d’avoir des chevaux chez soi : alors l’achat de la selle devient un élément clé. Dans l’imagerie initiale de ce qu’est monter à cheval, l’enquêteur avait ainsi fait l’acquisition d’une selle de type « western » chez « Décathlon »[6]. Très rapidement, après les diverses difficultés liées à ce matériel, dont l’une d’elle consistait en la rencontre d’une partie anatomique sensible et du pommeau, cet outil fut revendu au profit d’une selle d’un constructeur fameux dans le milieu équestre, selle toujours en possession de l’enquêteur. De meilleure réputation, la selle de ce fabriquant était un argument d’achat important, tandis qu’elle était adaptable à tous les chevaux de la maisonnée ainsi qu’à ceux des centres équestres. Ainsi en va‑t‑il des cavaliers « propriétaires » qui, dans un souci de confort à la fois de leur assise mais aussi de celui de leur cheval, engagerons d’importants montants dans l’achat d’un matériel prévu pour durer plus longtemps, être de meilleure facture et assurer le bien‑être de leur compagnon équin, et le leur propre. De même, les investissements consentis sont conséquents, surtout pour les propriétaires ; à savoir les tapis de selle, qui recouvrent le dos du cheval avant la selle pour protéger peau et poils, les filets et les mors, mais aussi le matériel du cavalier, les bombes ou casques, gants, fuseaux, « chaps », chaussures, éventuellement gilet de sécurité, étriers plus ou moins spécifiques, badines (cravaches) ou éperons éventuels, aux couleurs variées et colorées.

    La vie de cavalier « propriétaire » est également plus riche de contacts corporels spécifiques, qu’il s’agisse du nourrissage, des soins divers qui invitent l’humain à glisser ses doigts dans les muqueuses de la bouche, peau contre peau, pour permettre d’insérer une seringue de vermifuge. C’est aussi la récompense d’une friandise donnée dans la paume de la main et sentir la bouche du cheval chatouiller la peau, tout simplement prendre son cheval dans ses bras. C’est se retrouver avec une jument, peau et muscles arrachées par une chute, et devoir la soigner des semaines durant pour lui permettre de retrouver ses organes, revoir les poils recouvrir le membre.

    À CRU À CHEVAL

    Monter sur le dos du cheval se fait généralement en selle, bien qu’on puisse également monter « à cru ». Dans ce cas, plus aucun élément, hormis les vêtements, ne vient interférer le toucher entre les deux acteurs que sont le cavalier et le cheval, entre le bassin, médiateur central de la relation, les jambes et les mains. Seuls les vêtements humains séparent alors la peau de l’humain de celle du cheval.

    « C’est très corporel. Même si on n’est pas directement sur le cheval, s’il y a une selle qui nous sépare. Un bon cavalier, c’est un cavalier qui peut même monter à cru et qui peut faire exactement la même chose. »

    (Paul Monirandun, 60 ans, face à face)

    « Y a toute une génération de cavaliers qui s’est cassée les reins sur le trot assis. Et dans le temps, on enseignait le trot assis en faisant enlever les étriers aux cavaliers. D’ailleurs c’est intéressant de monter à cru, à part qu’on est moins bien fixé sur le cheval. Mais si on a un cheval qui est tranquille et qui trotte, tu vois, on sent bien le mouvement de la colonne vertébrale du cheval, et donc l’assiette qui épouse. Mais le trot assis, c’est tout un programme. C’est du senti, et le cavalier qui trotte assis, il a acquis la décontraction, il a acquis la souplesse. La base, c’est bien la décontraction. Pour un cavalier, c’est ça, la base de tout. »

    (Antoine Randoquatre, 76 ans, distance)

    Cette monte à cru amène par ailleurs à véhiculer un imaginaire pouvant laisser la place aux dimensions les plus intimes des individus. L’expérience corporelle vécue par le trentenaire qu’était l’enquêteur à l’époque de la thèse a en effet poussé le questionnement jusqu’aux questions liées à la sensualité. Alors que la technique du trot et du galop assis restait difficile à appréhender, le moniteur équestre tenta de décoincer la situation par le biais d’éléments pouvant évoquer le mouvement recherché : « il faut que tu engrosses ton pommeau de selle ». Sans aller jusqu’à excuser des comportements par trop invasifs de personnalités récemment évoqués lors de l’écriture de cet article[7], il est aisé de comprendre que ces représentations liées à la sensualité ont pu encourager les débordements les moins acceptables[8]

    « Je crois qu’il y a une part de sensualité, au contact d’un cheval. Je pense d’ailleurs qu’on a plus de sensations à cru que sur une selle. Alors nous, on a sûrement moins ce contact sensuel que les femmes peuvent ressentir. »

    (Laurent Compéquatre, 49 ans, face à face)

    « Le cheval, encore avec une selle, passons, mais monter à cru, ça a un côté excessivement sensuel, érotique […] Monter à cheval, pour une femme en tous cas, pour un homme je ne sais pas parce que c’est plutôt un peu gênant, par rapport à vos petites choses extérieures. Mais monter à cheval à cru, notamment pour une femme, ça peut être une pratique masturbatoire !

    Q : Ah bon ? Ah quand même ?

    R : Oui, mais peut‑être qu’en effet il y a des gens qui ne vous diront jamais ça, qui n’avoueront jamais ça ! Pourtant, pour en avoir discuté avec quelques autres cavalières, qui elles n’étaient pas particulièrement coincées sur ce sujet, oui, bien sûr ! Donc c’est excessivement rapproché de tout ce qui est oui, sensuel, érotique…. Plaisir, et cætera. Y a la chaleur, y a tout un tas de choses ! Mais c’est un sujet qui est compliqué, avec les femmes…

    Q : Alors qu’avec des hommes ça deviendrait vite grivois ?

    R : Alors, avec les hommes, ça peut devenir grivois, c’est quelque fois plus facile. Parce que moi je tourne un peu tout sous le drapeau de la…

    Q : De la dérision ?

    R : Voilà, de on démystifie les choses, et puis on plaisante là‑dessus, on en rit un peu ensemble, et puis après ça va mieux. Mais, c’est vrai qu’avec les hommes, c’est moins compliqué dans le sens où ils ont plus de facilité peut‑être à être grivois. Ce n’est pas que c’est plus facile forcément pour eux, mais c’est un sujet avec lequel ils ont moins de mal à… Les mecs vont se raconter plus facilement des histoires de cul que peut‑être certaines nanas. »

    (Kell Moniquinze, 45 ans, distance)

    Cette dimension intime, voire sexuelle, a eu des conséquences pour le moins massives car, comme le rappelle Tourre‑Malen (2004), c’est cette même vision des femmes à califourchon qui a poussé les hommes du XIXe siècle, gênés par ce spectacle mettant en contact les organes génitaux féminins et le cheval, à promouvoir la monte en amazone, moins stable, moins efficace, pour la gent féminine. Cette « technique paradoxale » (Tourre‑Malen, 2011) a ainsi perduré jusqu’à nos jours sans être dorénavant exclusive des femmes. Ainsi donc la corporéité joue totalement entre les deux espèces, peaux contre peaux, corps contre corps, dans la visée humaine d’atteindre des objectifs (de performance, d’endurance, de vitesse, de maîtrise, relationnelles, etc.). Cet élément pourrait laisser accroire à une nécessaire domination de l’humain sur le cheval. Bien qu’effective dans nombre de cas, il n’en reste pas moins que les relations anthropo‑équines dépassent parfois largement cette domination initiale pour atteindre une coopération. C’est cela, pour certains, être une femme ou un homme de cheval.

    « […] Et on en revenait à l’idée que j’ai oubliée de dire tout à l’heure, cette notion de rapport au cheval. Cheval‑homme, homme‑cheval, dans l’apprentissage. Du cavalier, jeune cavalier, vieux chevaux, parce que le cheval va permettre au cavalier de faire ressentir les bonnes sensations [et] à reproduire ses sensations. À ce que les chevaux leur procurent les mêmes sensations. […] Comme on disait tout à l’heure, un cheval n’est pas les chevaux. Un cheval a sa mentalité, sa corpulence, son apparence, son caractère, sa personnalité. Et c’est ce qui faut éviter de dénaturer, justement. La robotisation, le conditionnement dénature, donc on ne peut pas être d’accord avec certaines méthodes sous couvert de l’éthologie, de quoi que ce soit. »

    (Mickael Monidressun, 58 ans, face à face)

    « Un homme de cheval, pour moi, c’est très basique, très bateau, mais, c’est quelqu’un qui a une quête de la compréhension de qu’est‑ce que c’est qu’un cheval, de qui est le cheval. Et donc qui vit aussi avec des chevaux, forcément, parce qu’un homme de cheval, il ne peut pas vivre sans chevaux […], qui a vraiment cette notion de rentrer dans la tête du cheval, non seulement pour le travail, mais aussi pour son bien‑être. »

    (Amandine Monineuf, 25 ans, face à face)

    « Homme de cheval, c’est un état d’esprit. Tu l’es certainement autant voire plus que certains professionnels du cheval. Homme de cheval, c’est quelqu’un qui va se soucier avant tout du bien‑être de son cheval, c’est ce que je disais tout à l’heure, avant la performance.

    Q : J’ai envie de paraphraser quelqu’un de très célèbre : «on ne naît pas homme [ou femme] de cheval, on le devient» ?

    R : Ben oui, c’est exactement ça. »

    (Romain Compéun, 35 ans, face à face)

    Durant toute l’enquête, nous avions pu observer des relations variées entre humains et chevaux. Que la structure prône la compétition ou non, que les moniteurs considèrent les chevaux comme « idiots à bonne mémoire » ou « partenaires privilégiés », finalement, c’est la socialisation initiale des uns et des autres qui conduira à tel ou tel mode relationnel entre humains et équins. En ce sens, il ne semble pas y avoir de différences avec ce que nous vivons au sein de notre propre espèce. Nous avons pu par ailleurs vivre une expérience dans laquelle la domination était ainsi réduite à la part congrue que nous n’avons jamais auparavant documenté. La thèse était déjà terminée depuis quelques années quand l’occasion nous permit de faire venir une formatrice qui nous proposa une séance spécifique. Elle proposait de nous faire travailler avec nos chevaux, sans aucun contact. Il fallait que les chevaux acceptent de leur propre chef de nous suivre, nous accompagner dans toutes les directions que nous souhaitions prendre. Dans cette situation, terriblement difficile pour l’ego humain, la moindre petite victoire, le peu que les chevaux acceptaient de nous accompagner, était un grand soulagement. Et c’est finalement dans cette proposition où plus aucun contact peau à peau n’était permis que nous étions le plus « à poil ».

    DES EXPRESSIONS LIÉES AU MONDE ÉQUESTRE

    L’étude des sociétés équestres au fil du temps permet de constater l’immense densité des relations anthropo‑équines durant l’évolution des sociétés humaines (Roche, 2011). Cette étude, dans une dimension éliasienne (1973), offre la possibilité de comprendre jusqu’à l’évolution des mœurs équestres, de la pacification des techniques à l’apparition de la notion de bien‑être animal aujourd’hui largement mise en avant (Régnier, Héas, 2019). Dans un même sens, l’étude des expressions françaises utilisant un vocable issu des activités équestres montre à la fois l’importance de ces relations inter‑espèces et leur dimension corporelle qui, toujours, passe par les peaux. Elles prennent soit appui sur le corps équin pour démontrer des comportements humains, soit comparent des corps humains à des corporéités gigantesques. Elles se regroupent en trois champs[9] : celui des acteurs, que nous focaliserons sur le cheval, celui du matériel et celui de l’animal.

    Le mot cheval s’avère « très fertile en locutions surtout proverbiales » et « représente un stade précis de notre civilisation maternelle ». En effet, les expressions ont été constituées à des périodes où son usage était encore très important. Elles ont alors une dimension corporelle extrêmement affirmée. Ainsi, les locutions usuelles (mobilisées au quotidien, pour l’utilité qu’elles avaient de fait, comme « à cheval donné on ne regarde pas la bouche », par exemple) sont devenues désuètes, alors que celles donnant bonne place à l’abstraction sont encore très vivantes, tel le « cheval de bataille » (Rey et Chantreau, 1993, 161). Ainsi, « être à cheval sur les principes » (ou autre chose) garde une place dans notre vocabulaire encore actuellement. Nous pouvons également adjoindre les expressions telles qu’un « remède de cheval » ou une « fièvre de cheval » dans le domaine sanitaire ou la tristement célèbre « culotte de cheval » (Pidancet‑Barrière, 2005, 135) grâce à laquelle les magazines féminins font leur une et de nombreux sites internet des articles censés lutter contre l’accumulation des graisses et la peau d’orange[10]. La coiffure n’est pas en reste avec la « queue de cheval ». Le « grand cheval » servant à qualifier une femme forte et robuste semble tout droit issu du monde équestre et de la réputée misogynie des écuyers initiaux, également créateurs d’expressions typiques comme « A cheval, c’est comme en amour, quand on a la bouche, on a le reste » (Pidancet‑Barrière, 2005, 75), « un coup de pied de jument ne fait pas mal au cheval » (p. 136‑137), et « A nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent » (Digard, 2007, 180). Le bourrin (Pidancet‑Barrière, 2005, 79), en langage familier, avant de devenir cet individu grossier, balourd, était un cheval « poussif, massif et sans allant ». Mais c’est vraiment autour des outils du cheval ou de son cavalier, ou encore de leurs actions respectives que s’organisent les expressions, mettant en écho la corporéité du cheval et la zone sur laquelle se porte l’action équestre initiale.

    Le matériel équestre est en effet bien représenté. Rappelons que l’arçon (Rey et Chantreau, 1993, 30) est l’arc solide intégré à la selle qui lui permet d’avoir sa forme particulière (ainsi que d’accueillir les étriers (Digard, 2007). « Être ferme sur ses arçons » prend alors valeur d’assurance dans ses opinions. À l’inverse, une information surprenante, comme un élément de surprise dans le décor du cavalier au galop peut aisément « désarçonner » quelqu’un. La bride (p. 110), ou rêne, sert à arrêter, laisser aller ou permet entre autres de faire tourner le cheval. Elle est le lien primordial entre la main et la bouche du cheval. Ainsi, la symbolique des expressions liées à ce terme induit systématiquement les notions de vitesse, de contrôle et de leurs éventuelles conséquences : « aller à brides abattues » ou « brides en main », « avoir la bride sur le cou », « lâcher la bride », « tenir la bride », « être bridé » ou « faire une soirée débridée» et finir peau nue Le mors est l’outil qui se trouve au bout de la bride et qui vient se situer dans la bouche du cheval. Il se trouve en arrière des dents du cheval, permet de ralentir, de tourner… Si le bridon (le harnachement de la tête du cheval) est trop lâche, il va blesser les peaux, et le mors peut se retrouver entre les dents, ce qui nuit au contact et à la relation. « Prendre le mors aux dents » (p. 528) marque pour l’être humain comme pour le cheval l’emballement et l’impossibilité d’agir. « Avoir des œillères » (qui se trouvent sur le bridon, de chaque côté des yeux) pour l’un ou pour l’autre induit une restriction de la vision, de l’opinion (p. 561). Les brancards et brancardiers (p. 83), qui mènent de l’ambulance au lit d’hôpital sont également à mettre au compte d’une utilisation animale, les premiers consistant initialement en « longues barres de bois qui prolongent l’avant‑train d’une hippomobile et auxquelles on attache un cheval ». Ils encadrent littéralement tout le corps du cheval. « Ruer dans les brancards », s’affranchir de ce cadre, se rebeller donc, est issue de cet élément de travail. L’étrille, enfin, est une brosse solide qu’on passe énergiquement sur le corps de l’animal pour le préparer à la monte, gratter les poils et la peau. Être « étrillé par la critique » en revient donc à une sévère friction de la peau de l’auteur d’une pièce, d’un cinéaste par ses spectateurs, par exemple (Pidancet‑Barrière, 2005, 252). Enfin, se retrouver « les quatre fers en l’air » (p. 259) fait directement référence à la chute de cheval. Être « assis entre deux chaises » est une transformation d’être « assis entre deux selles », provenant directement du milieu équestre. « Mettre quelqu’un en selle » et « se remettre en selle » (Rey et Chantreau, 1993, 721), initialement sur l’animal, impliquent également un engagement dans la pratique.

    Les actions relatives au cheval ou au cavalier sont moins nombreuses mais toujours parlantes. L’assiette, qui signifiait initialement la manière d’être en position sur le cheval, a glissé successivement vers la position assise à table, puis s’est vue transformer pour évoquer le plat dans lequel est servi le repas (p. 36). Ainsi, l’expression « être ou ne pas être dans son assiette », celle‑ci représentant l’équilibre du cavalier, on comprend le déséquilibre interne évoqué par l’expression. Le terme d’assiette a également glissé vers le domaine de l’aviation pour définir l’équilibre de l’engin en vol (Krempp, 2007).

    Reste un cas particulier : le pied. Particulier dans le sens où il désigne à la fois une partie de l’humain et une partie du cheval. Ce qui révèle un autre particularisme : l’anthropocentrisme et l’exceptionnalisme que nous donnons dans la langue française au cheval (Roche, 2023). Le cheval a une description anatomique très proche de l’humain. Il fait partie des ongulés[11], il marche sur un ongle, donc par extension un doigt et de la peau solidifiée, de la kératine : de l’ongle. Ses pattes sont des jambes, il a un genou, une tête… Mais pas de face, ce qu’Hélène Roche discute de façon tout à fait pertinente. En fait, le vocabulaire de l’anatomie du cheval est calqué sur l’humain, et « il possède presque tous nos muscles, [beaucoup de nos os (Malen, Muret et Jacquey, 1994, 22‑23)] mais certains lui sont bien spécifiques » (Raimbault, 2011, 34). Il n’est donc pas étonnant que le pied dégage dans l’imaginaire collectif des expressions qui porteront soit sur le cavalier, soit sur le cheval, soit sur la pratique militaire. « Avoir », « mettre » ou « mettre à quelqu’un le pied à l’étrier » (Rey et Chantreau, 1993, 339) est encore aujourd’hui une expression courante pour envisager l’engagement d’une personne dans une activité. « Faire feu des quatre pieds », ou « des quatre fers » (p. 361), laisse imaginer la puissance d’un départ au galop. Aller « à pied, à cheval », puis plus tard également « en voiture » montre l’engagement d’une personne à faire quelque action. « Mettre à pied » (p. 619), enfin, consiste à renvoyer quelqu’un. Cette « mise à pied » était initialement celle du cavalier, destitué de son droit de monter à cheval, en tant que sanction : Il devient un piéton.

    On le voit, de nombreuses expressions françaises participent de cette omniprésence du cheval dans les sociétés passées. Plus encore, c’est par la présence de son corps que ces expressions semblent briller. Ce rapide tour d’horizon des expressions et locutions, souvent encore utilisées au gré des discussions, montre à quel point la présence du cheval allait de soi dans un monde où le moteur, à vapeur d’abord puis à explosion, n’existait pas encore. L’animal, outil du quotidien, a permis de véhiculer une pensée commune d’une grande richesse. Si la peau n’apparaît pas en mots, elle est omniprésente dans les faits. Elles sont devenues des réflexions du sens commun, elles donnent du sens aux représentations des individus, à leur perception du monde qui les entoure… aujourd’hui encore. Elles montrent à quel point la corporéité qui lie humains et équins nourrit la relation sociale qui s’est constituée entre les deux espèces.

    CONCLUSION

    Parmi les pratiques humaines, qui au surplus mettent en relation une autre espèce, rares sont celles qui autorisent un contact aussi massif en quantité, qualité et proximité les corps et les peaux des individus (humains et chevaux). L’existence historique millénaire des pratiques équestres participe de cette spécificité, d’autant qu’elles engagent les corps dans une communication où la technique représente un langage inter‑espèces permettant aux deux espèces de cohabiter, de composer un binôme, voire de se comprendre mutuellement. Cette pratique multiséculaire a essaimé jusque dans les conversations contemporaines, au travers d’expressions passées à la postérité ou encore en usage aujourd’hui, comme nous avons pu le constater en première partie. Plus encore, appréhender la profondeur des relations anthropo‑équines nécessite, de fait, de s’engager « corps et âme » dans celles‑ci pour reprendre l’image de L. Wacquant pour l’engagement dans la boxe. De l’abord du cheval au travail à pied, en selle, ou au quotidien, c’est l’humain dans son ensemble qui est pris dans le faisceau de cette relation inter‑espèce et de ses conséquences (émotionnelles, corporelles…). Les mains, les jambes et le bassin du cavalier ou de la cavalière sont particulièrement engagés dans l’interaction corporelle et la communication qui en découle. Cette proximité corporelle est accentuée par le statut de propriétaire qui est de ce fait particulièrement engagé au quotidien dans l’ensemble de la relation, de l’entretien au nourrissage, engageant bien plus que la simple interaction « contractuelle » liant le cavalier de club au cheval qu’il ou elle montera une heure, un après‑midi, rarement plus. La richesse de ces relations invite à dépasser les représentations partisanes liées aux expressions et pratiques plus ou moins scientifisées d’entrepreneurs de la morale portant sur les acteurs des jugements parfois par trop définitifs. Le temps jugera des évolutions futures et comment les relations anthropo‑équines seront amenées à évoluer en fonction du processus de civilisation des mœurs, mais aussi du maintien de chemins, de sentiers, et plus largement de territoires accessibles aux cavaliers et à leurs partenaires.

    BIBLIOGRAPHIE

    Andrieu B., (2011), « Les corps participants, agence épistémique et écologie expérientielle dans les recherches en STAPS depuis 2000 », Staps, 91/1, 77-86.

    Andrieu B., (2011/2), « Mon corps, projecteur ou immerseur ? », dans B. Andrieu (dir), Le corps du chercheur. Une méthodologie immersive, Nancy : PUN, 13-63.

    Chevalier, V., (1998), Pratiques culturelles et carrières d’amateurs : le cas des parcours des cavaliers dans les clubs d’équitation, Sociétés contemporaines, 29, 27-41.

    Digard J-P., (2007), Une histoire du cheval. Art, technique, société, Paris : Actes sud.

    Douglas M., (2005), De la souillure : essai sur les notions de pollution et de tabou, Paris : La Découverte, coll. poche.

    Elias N., (1973), La civilisation des mœurs, Paris : Calmann-Lévy.

    Feuerhahn W., (2017), Chapitre I. Les catégories de l’entendement écologique : milieu, Umwelt, environnement, nature…, dans G. Blanc, É., Demeulenaere & W., Feuerhahn (Eds.), Humanités environnementales : Enquêtes et contre-enquêtes, Paris, Éditions de la Sorbonne. doi : 10.4000/books.psorbonne.84325

    Franchet d’Espèrey P., (2008), La Main du Maître, réflexions sur l’héritage équestre, Paris : Odile Jacob.

    Franchet d’Espèrey P., (2009), Les grands courants de l’équitation Française, dans Arts équestres, 303, la revue culturelle des pays de la Loire, 107, 56-61.

    Goffman E., (1974), Les rites d’interaction, Paris : Éditions de Minuit.

    Krempp T., (2007), Quand les cavaliers deviennent aviateurs : la fin du monde, dans P. Franchet d’Espèrey (dir.), Lunéville, la cité cavalière par excellence, Paris : Agence Cheval France, 229-236.

    Le Mancq, F., (2007), « Des carrières semées d’obstacles : l’exemple des cavalier-e-s de haut niveau », Sociétés contemporaines, 2/66, 127-150.

    Malen C., Muret B., Jacquey L., (1994), Être cavalier, galops 1 à 4, Paris : Lavauzelle.

    Pidancet-Barrière V., (2005), Les mots du cheval, Paris : Belin.

    Raimbault J-L., (2011), Petit dictionnaire équestre, Paris : Arléa.

    Régnier P., (2014), Devenir cavalier : un apprentissage par corps. Essai de socio-anthropo-zoologie des pratiques et techniques équestres, thèse présentée pour le doctorat de l’université de Rennes 2, mention sociologie.

    Régnier P., (2016), Dans la peau d’un cavalier. Un acteur communicationnel par excellence ?, Paris : L’Harmattan, collection Des Hauts et Débats.

    Régnier P., Héas S., (2019), Prolégomènes à une analyse des points de vue antispécistes et véganes, L’homme et la société, 210, 137-164.

    Régnier P., Roche H., (2020), Une sociologie des chevaux est-elle possible ? Regards croisés entre un sociologue et une éthologue, dans É. Baratay (dir.), Croiser les sciences pour lire les animaux, Paris : Éditions de la Sorbonne, 103-114.

    Régnier P., Roche H., (2021), Les chevaux peuvent-ils perdre ou sauver la face ? Revisiter les interactions sociales à l’aide des concepts d’Erving Goffman, dans É. Baratay (dir.), L’animal désanthropotisé. Interroger et redéfinir les concepts, Paris : Éditions de la Sorbonne, 227-238.

    Rey A., Chantreau S., (1993), Dictionnaire des expressions et locutions, Paris : Le Robert.

    Régnier P., Leroux, B., Héas S., (2024), « Structures fondamentales des sociétés humaines ou structures fondamentales des sociétés ? », Congrès international des sociologues de langue française, 8 – 12 juillet, Ottawa.

    Régnier P., Héas S., Héas C., (2024), « Vivre avec ou sans chevaux. Esquisse d’une étude d’un cas de dynamiques conjugales et familiales avec des relations anthropo-équines privilégiées », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 72/1, 97-115.

    Roche H., (2008), Que devez-vous savoir et observer ? Comportements et postures, Paris : Belin.

    Roche D., (2011), La gloire et la puissance. Histoire de la culture équestre, XVIe-XIXe siècles, Paris : Fayard.

    Roche H., (2023), Interroger l’anthropocentrisme des termes équestres, dans Alkemie Revue semestrielle de littérature et philosophie, 32/2, L’animal, 241-250. DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16439-5.p.0241

    Tourre-Malen C., (2004), « Des Amazones aux amazones. Équitation et statut féminin », Techniques & Culture [En ligne], 43-44. http://tc.revues.org/1181

    Tourre-Malen C., (2006), Femmes à cheval, Paris : Belin.

    Tourre-Malen, C., (2011), Les techniques paradoxales ou l’inefficacité technique voulue, L’Homme, 200, 203-226.

    Wacquant L., (2015), « Pour une sociologie de chair et de sang », Terrains et travaux, 236, 239-256.

    Zolesio E. (2011), « Anonymiser les enquêtés », Interrogations, 12, 174-183.


    [1].. Questionnée dès 2020.

    [2].. https://equipedia.ifce.fr/sante‑et‑bien‑etre‑animal/bien‑etre‑et‑comportement‑animal/perception‑et‑comprehension/la‑vision‑du‑cheval, consulté le 15/02/24.

    [3].. La pseudonymisation des participants a été réalisée dans la dynamique proposée par Zolésio (2011).

    [4].. Voir Le Mancq (2007), mais elle focalise son propos sur le haut niveau qui, comme l’avait montré Chevalier est propice à la mise à distance de la relation anthropo‑équine (1998).

    [5].. Expression émique.

    [6].. Aujourd’hui sortie des rayons, elle ressemblait à peu près à cela : https://www.decathlon.fr/p/mp/red‑horns‑texas‑saddlers/selle‑western‑de‑reining‑avec‑motif‑floral/_/R‑p‑061bbd00‑a616‑4208‑99d2‑960708efd6ce?mc=061bbd00‑a616‑4208‑99d2‑960708efd6ce_c1&c=noir, consulté le 21/02/24.

    [7].. https://www.francetvinfo.fr/sports/equitation/propos-de-gerard-depardieu-sur-l-equitation-beaucoup-d-hommes-font-un-raccourci-entre-equitation-et-pratique-sexuelle-raconte-une-cavaliere_6254247.html, consulté le 20/02/24. Contrairement au propos alarmiste de la journaliste dans l’article ici évoqué, la dimension « sexualisante » de l’équitation est loin d’être une nouveauté, de nombreuses sources en attestent, notamment les différents travaux de Catherine Tourre‑Malen (2004, 2006). On peut se rappeler de nombreuses citations vernaculaires liées au monde équestre, dont le célèbre « Allons boire à nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent » de Jacques Chirac, par exemple. La réactivité actuelle sur ces questions est à notre sens plus liée à la configuration dans laquelle nous sommes actuellement au sein du processus de civilisation de Norbert Elias.

    [8].. Outre les affaires proprement humaines rattachées à l’équitation, une simple recherche sur internet laissera entrevoir une dimension zoophile assez largement étendue…

    [9].. Nous baserons principalement notre réflexion sur le dictionnaire des expressions et locutions d’Alain Rey et Sophie Chantreau (1993), sur Les Mots du cheval, de Véronique Pidancet‑Barrière (2005), sur le petit dictionnaire équestre de Jean‑Claude Raimbault (2011) ainsi que sur le site http://www.expressio.fr/ (consulté le 14/02/24) pour les expressions supplémentaires.

    [10].. https://www.femmeactuelle.fr/minceur/astuces‑minceur/culotte-de-cheval-10-conseils-pour-lattenuer-2069770, par exemple (consulté le 14/02/24).

    [11].. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ongul%C3%A9_ongul%C3%A9e/56046, consulté le 14/02/24.