Fabriquer la peau. Une étude des expériences incarnées de la guérison chez des youtubeurs souffrant d’acné (traduction)

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  • Description

    Miranda P. DOTSON

    Doctorante en sociologie à Northeastern University (Boston, Massachusetts, USA). Elle est boursière de la National Science Foundation Graduate Research Fellowship.

     

    Marc LAFRANCE

    Professeur agrégé de sociologie et conseiller spécial auprès de la vice-rectrice exécutive aux affaires académiques à l’Université Concordia (Montréal, Canada). Il est l’auteur de plus de 50 articles scientifiques portant sur la corporéité et l’identité dans le contexte de la société occidentale contemporaine.

    Référence électronique
    Dotson M., Lafrance M., (2024), (traduit par DeschampsG.) « Fabriquer la peau. Une étude des expériences incarnées de la guérison chez des youtubeurs souffrant d’acné », La Peaulogie 11, mis en ligne le 28 octobre 2024, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/fabriquer-peau

    Résumé

    Dans cet article, nous examinons les récits que 24 vlogueur·euse·s adultes font de leur expérience de l’acné au moyen de vidéos publiées sur YouTube entre 2015 et 2020. Nous étudions ce faisant la relation entre les expériences incarnées de l’acné et les pratiques de recours aux soins, en particulier celles qui concernent la gestion de la vie du corps au quotidien, le rejet de l’expertise médicale et l’adhésion aux savoirs profanes, la vie avec un handicap et la fabrication d’un soi amélioré. Dans l’ensemble, nous avons rencontré chez les vlogueur·euse·s un scepticisme généralisé face à la gestion clinique de l’affection dont ils souffrent. Nombre d’entre eux rejettent les traitements médicaux de l’acné et plaident plutôt en faveur d’une transformation du mode de vie. Notre étude montre que les vlogueur·euse·s considèrent la guérison de l’acné comme une quête personnelle qui exige de faire preuve d’initiative et comme une quête collective qu’il vaut mieux fonder non pas sur les avis des médecins et les médicaments sur ordonnance, mais sur les forums et les ressources disponibles en ligne qui encouragent la fabrication de soi à l’aide d’options offertes sur le marché libre et qui prônent des valeurs néolibérales associées au travail sur le corps.

    Mots-clés

    Acné, médecine alternative, modèles explicatifs de la maladie, expertise profane, fabrication de soi, peau, vlogues, YouTube

    Abstract

    We examine how 24 adult YouTube vloggers tell their ’acne stories’ by means of videos posted on YouTube between 2015 and 2020. In doing so, we study the relationship between embodied experiences of acne and health-seeking practices, particularly as they pertain to managing the everyday life of the body, abandoning medical expertise, and embracing lay knowledge, living with disability, and engineering an improved self. Overall, we suggest that the vloggers share a general skepticism about the clinical management of their condition, often eschewing medical treatments while advocating for the modification of lifestyle practices. Ultimately, our study shows that vloggers understand healing from acne as both a personal journey that requires individual initiative and a shared pursuit best supported not by doctors and prescription medication but by an online environment that encourages self-engineering through free-market health care options and neoliberal values of working on the body.

    Keywords

    Acne, alternative medicine, explanatory models of illness, patient-expertise, self-engineering, skin, vlogs, YouTube

    INTRODUCTION

    « Aujourd’hui, je veux vous parler de quelque chose qui […] a vraiment affecté une énorme partie de ma vie et de la façon dont je me sens par rapport à moi‑même », dit Kayla, une jeune youtubeuse blanche, assise face à la caméra devant un portant à vêtements. S’adressant à un public de plus de 200000 personnes, elle poursuit en disant : « Je veux faire cette vidéo… pour vous montrer que vous n’êtes pas seuls et qu’il y a d’autres personnes qui ont dû traverser cette épreuve. Je veux vous dire que la situation va s’améliorer, que ça va finir par passer et qu’à long terme, vous en sortirez plus forts. »

    La vidéo de Kayla est l’une des nombreuses « histoires d’acné » téléversées sur YouTube depuis les quatre coins du monde. Ces vidéos, qui, comme la sienne, contiennent souvent des récits personnels, sont visionnées par les millions de personnes qui viennent chercher sur cette plateforme une solution à leurs problèmes de peau. Elles se caractérisent par des discours néolibéraux relatifs à la gestion du corps, à l’authenticité et à la fabrication de soi, et servent à la fois à guider et à accompagner ceux et celles qui tentent de guérir de l’acné.

    Nous explorons la compréhension qu’ont les vlogueurs adultes de leurs expériences incarnées de l’acné à partir de 24 vidéos téléchargées sur YouTube entre 2015 et 2020. Nous examinons ce faisant les pratiques de recours aux soins (Chrisman, 1977) et la façon dont les modèles explicatifs individuels qu’ils utilisent pour donner un sens à leur acné se rapprochent ou se distinguent de ceux de la communauté médicale. Notre étude s’appuie sur des recherches précédentes (Lafrance et Carey, 2018, 2020 ; Murray et Rhodes, 2005 ; Santer et al., 2017), mais elle est la première à recourir à des vidéos YouTube pour examiner la façon dont les expériences incarnées de l’acné influencent les moyens utilisés pour en guérir. En faisant fond sur le domaine naissant des études de la peau ainsi que sur celui, plus établi, des études du corps, nous avons constaté que l’acné est vue par les vlogueurs non pas seulement comme une affection handicapante qui exerce une influence dévorante sur la vie quotidienne, mais aussi comme un projet multiforme qui s’appuie sur l’expertise du patient pour fabriquer un soi authentique.

    Les expériences incarnées de l’acné ont été largement négligées dans les études qualitatives malgré leurs incidences diverses et leurs répercussions considérables. L’étude menée par Murray et Rhodes (2005) est la première à s’y intéresser sur un total de quatre seulement. Les auteurs suggèrent que le fait de vivre avec l’acné est associé à divers éléments, à savoir une incapacité à contrôler le problème en dépit de tentatives répétées pour y parvenir, une perte de temps et d’énergie résultant de ces tentatives, une réticence persistante à se socialiser, une préoccupation des parents proches et des partenaires romantiques vis‑à‑vis du problème et une tendance à avoir l’impression de souffrir d’un handicap chronique. En faisant fond sur les travaux de Murray et Rhodes (2005), Lafrance et Carey (2018) étudient les conseils partagés par les membres du groupe de soutien électronique acne.org. Ils constatent que les personnes qui souffrent d’acné pratiquent essentiellement trois formes de « travail sur la peau » (skin work), à savoir la dissimulation, la médication et les soins, et que ce travail est influencé par les normes relatives au genre et à la sexualité. Dans un article publié plus tard, les deux mêmes auteurs (2020) observent que le travail sur la peau auquel se livrent les utilisateurs de ce forum est étroitement lié à la « dermatologisation de la vie » dans trois contextes clés : le contexte hormonal, le contexte alimentaire et le contexte nocturne. Ce faisant, ils montrent que le fait de vivre avec l’acné est associé à une combinaison complexe de plaisir et de douleur, d’excitation et d’épuisement, de travail et de jeu. Finalement, l’étude de Santer et al. (2017) s’intéresse aux forums sur l’acné et cherche ainsi à favoriser l’observance des patients au traitement antibiotique oral. Les auteurs affirment que ces forums « présentent des opinions qui sont susceptibles de créer de la confusion chez les patients ou de provoquer l’abandon précoce des traitements, la tenue de consultations difficiles et l’insatisfaction des patients » (751). Les conclusions de Santer et ses collaborateurs se distinguent en ce qu’elles suggèrent que la médecine traditionnelle est le seul moyen légitime d’obtenir la guérison.

    Les études décrites ci‑dessus se sont appuyées sur des analyses thématiques de données disponibles en ligne pour examiner la relation entre l’acné, d’une part, et le sentiment de soi qu’une personne a d’elle‑même, les réalités sociales et les pratiques de la vie quotidienne, d’autre part. Notre étude examine aussi cette relation, mais elle utilise un ensemble différent d’outils théoriques et méthodologiques. Sur le plan théorique, nous abordons de nouvelles préoccupations conceptuelles en mettant en évidence la façon dont les personnes expliquent leur maladie et la façon dont ces explications reposent sur la tension existante entre l’expertise médicale et l’expertise profane, et le fait que les efforts qu’ils font pour guérir de l’acné deviennent des moyens de fabriquer ce qu’ils estiment être un soi amélioré. Sur le plan méthodologique, nous nous inspirons de l’ethnographie en proposant des descriptions denses des contenus vidéos créés par les utilisateurs et les représentations saisissantes de l’expérience incarnée qui les caractérise. Nous obtenons ainsi une série de résultats qui viennent confirmer nombre des affirmations faites dans les études précédentes et en ajouter de nouvelles à ce corpus croissant d’études qualitatives.

    CONTEXTE

    La maladie de peau connue sous le nom d’acné vulgaire touche environ 79 à 95 % des adolescents, 64 % des adultes dans la vingtaine et 43 % des adultes dans la trentaine (Cordain et al., 2002 ; Williams et al., 2012). Cette maladie, que l’on dit « normale » quand elle frappe à l’adolescence mais « pathologique » quand elle se prolonge à l’âge adulte (Lafrance et Carey, 2018, 56), en particulier dans ses formes plus graves, est souvent considérée comme un handicap dont les symptômes font obstacle à la « pratique » de la vie quotidienne (Chrisman, 1977). De fait, l’acné est handicapante parce qu’elle interfère avec la capacité de « rendre le corps beau » (Gilman, 2001) et empêche ainsi l’individu qui en souffre d’avoir accès au capital symbolique et de l’accumuler (Jarrín, 2017). L’acné mine donc ce qui donne au corps « une valeur sociale et crée les conditions qui rendent possibles la dignité humaine et le bonheur » (Jarrín, 2017, 4).

    Dans la médecine traditionnelle, on a tendance à considérer simplement l’acné comme une inflammation de la surface de la peau. On oublie souvent qu’elle est liée à d’autres parties du corps et à d’autres processus, et que ces liens pourraient permettre de faire la lumière sur les raisons qui expliquent son apparition et sur les moyens d’en guérir. La médecine traditionnelle perçoit ainsi la peau en des termes réducteurs, comme passive et statique plutôt que comme « ouverte, processuelle, relationnelle et sensible […] [et] fondamentalement associée au fait de […] repenser l’agentivité, l’expérience, le pouvoir et la technologie » (Lafrance, 2018, 104). Pour approfondir cette compréhension superficielle de la peau, nous situons notre recherche dans le domaine des études de la peau et nous considérons celle‑ci comme un élément actif et dynamique plutôt que passif et statique. S’appuyant sur les principes fondamentaux du domaine, qui nous viennent de celui, plus large, des études du corps, notre étude s’intéresse à la façon dont la peau sujette à l’acné est rendue « habitable, intelligible et significative » (Lafrance, 2018, 104) par le travail qui est fait sur elle, à travers elle et vers elle (Ahmed et Stacey, 2001).

    Les études de la peau se caractérisent par un certain nombre de principes épistémologiques qui nous permettent d’explorer les expériences vécues de l’acné dans une perspective critique. Tout d’abord, on assume que la peau est, au même titre que le corps, un projet (Shilling, 1993) sur lequel on doit travailler en continu. La signification de la peau est donc inextricablement liée aux pratiques incarnées et au sens qu’on leur attribue (Crossley, 2006). La peau, qui « nous met au défi et que nous mettons au défi à notre tour, où que nous soyons et quoi que nous fassions » (Lafrance, 2018, 106), est à la fois habilitante et handicapante. Elle est habilitante parce qu’elle nous permet de sentir le monde et d’être sentis par lui (Merleau‑Ponty, 1969), mais elle est aussi handicapante, en particulier quand on a l’impression qu’elle est défaillante(Anzieu, 1989), comme c’est souvent le cas chez les personnes qui souffrent d’acné. On parle ici de déception pour évoquer une peau qui ne satisfait pas aux normes en vigueur concernant l’apparence, en particulier lorsque celles‑ci s’enchevêtrent avec des normes liées au genre, à la sexualité, à la race, à l’âge et aux capacités. L’enchevêtrement de la peau avec ces normes montre qu’elle est, comme le corps, « matérialisée à travers des conceptions particulières de la normalité et de l’anormalité » (Blackman, 2008, 12). C’est pourquoi, comme Hurst (2018), nous sommes d’avis que le domaine des études de la peau propose des moyens utiles de réfléchir à la façon dont l’acné peut influencer notre compréhension des modifications normatives et non normatives de la peau. Comme les processus étudiés par Hurst, l’acné offre « une mine de données qualitatives potentielles pour les spécialistes des études de la peau » qui sont bien placés pour y voir « une démonstration évocatrice des multiples sens » que peut avoir la surface du corps (188). Maintenant que nous avons présenté les principes épistémologiques qui ont guidé notre recherche, nous aborderons les outils théoriques utilisés.

    CADRE THÉORIQUE

    Notre recherche s’appuie sur trois approches théoriques : 1) les modèles explicatifs de la maladie de Kleinman (1978) ; 2) les travaux de Barker (2008) sur le déclin de l’expertise médicale au profit de l’expertise profane sur les groupes de soutien en ligne ; 3) la notion du corps comme site de fabrication de soi proposée par Le Breton (2011).

    MODÈLES EXPLICATIFS DE LA MALADIE

    Les modèles explicatifs de la maladie de Kleinman (1978) apportent un éclairage utile au « sens de la maladie et [à] l’interprétation qu’en font les individus » (Weiss, 1997, 238). Kleinman recense une variété de modèles explicatifs, dont deux sont particulièrement intéressants dans le contexte de notre recherche : le modèle explicatif scientifique, qui est formé d’un ensemble de croyances dominantes partagées par les médecins et les établissements dans lesquels ils évoluent, et le modèle explicatif individuel, qui repose sur la compréhension qu’a un individu de sa maladie, le sens qu’il donne à ses symptômes et les pratiques qu’il considère comme importantes pour guérir.

    Il a été reproché aux modèles explicatifs de Kleinman de manquer de « spécificité opérationnelle » et d’attribuer des croyances trop rigides aux patients (Weiss, 1997, 241). Williams et Healy (2001) pensent qu’ils devraient être vus comme des « cartes » exploratoires qui « rendent [plus] pleinement compte du statut fluide des croyances [des patients] » (465). En combinant les idées de Kleinman et celles de Williams et Healy, nous avons utilisé les modèles en question pour comprendre comment les vlogueur·euse·s de notre échantillon perçoivent leur approche du traitement de l’acné par rapport à celle que défend le corps médical.

    L’EXPERTISE MÉDICALE ET L’EXPERTISE PROFANE SUR LES GROUPES DE SOUTIEN EN LIGNE

    Une combinaison de facteurs, parmi lesquels la puissance des forces de marché, l’accès instantané à l’information et la méfiance croissante à l’égard des professionnels de la santé, a entraîné l’apparition de « consommateurs‑patients » qui se diagnostiquent et se traitent eux‑mêmes au moyen de biens et de services disponibles sur le marché médical (Barker, 2008). Avec « la croissance de l’expertise profane et le déclin simultané de la déférence manifestée aux systèmes de savoirs spécialisés » (Barker, 2008, 21), la santé et la maladie sont désormais souvent appréhendées comme des problèmes personnels dont la résolution passe par l’initiative individuelle.

    Les groupes de soutien en ligne, et notamment les plateformes de médias sociaux qui se caractérisent par des forums consacrés à des sujets particuliers, offrent à leurs membres la possibilité de trouver des réponses à leurs préoccupations en matière de santé en jouant le rôle de « scientifiques citoyens » et de « patients experts » (Barker, 2008, 23). YouTube, à l’inverse, est un espace profondément hétérogène qui permet la pratique d’une variété d’activités en ligne. Si les visiteurs de la plateforme peuvent souvent trouver de l’aide en lien avec leur maladie dans les vidéos et dans la section des commentaires, ils se positionnent cependant davantage comme des spectateurs qui consomment des contenus faits pour se divertir que comme les membres d’un groupe de soutien particulier qui engagent un dialogue à des fins précises.

    (SE) FABRIQUER UN SOI AUTHENTIQUE

    Le Breton (2011) défend l’idée qu’au cours du XXe siècle, le corps est devenu un site où l’individu fabrique sa propre authenticité (144). À l’ère du capitalisme tardif, il est devenu un « projet de développement personnel » que l’on fait par soi‑même (Hurst, 2018 ; Mears, 2011 ; Shilling, 1993). L’individu joue ainsi le rôle d’« ingénieur de soi » et entend « se démarquer des autres par un contrôle vétilleux de [son] apparence » (Le Breton, 2011, 143) et le corps devient « un écran où projeter un sentiment d’identité toujours remaniable, virtuel » qui s’exprime extérieurement par une esthétique apparemment authentique (p. 140). Cette esthétique qui connecte le soi au corps et le corps au monde social peut s’apparenter aux pratiques marketing de la « quête de singularité » qui permet d’être « vu et apprécié » (p. 140).

    La fabrication de soi est étroitement liée aux normes de beauté et d’hygiène, certes, mais elle est aussi associée à une négociation constante qui est souvent vécue comme une obligation morale de surveiller son propre corps en continu. Les citoyen·ne·s des sociétés occidentales contemporaines ont donc tendance à être « surinformé[s] sur les looks possibles et sur les réceptions par les autres » (Le Breton, 2011, 141). Les youtubeur·euse·s de notre échantillon incarnent la notion de fabrication de soi que défend Le Breton dans des contextes où l’authenticité passe de plus en plus souvent par l’utilisation de technologies en ligne.

    MÉTHODES

    COLLECTE DES DONNÉES

    Nous avons utilisé YouTube comme « site de terrain » (Fullenkamp, 2019 ; Groenevelt et al., 2022), et avons analysé des vidéos téléchargées sur la plateforme entre 2015 et 2020. La collecte de données a eu lieu en 2019 et en 2020. Les vlogues conviennent bien aux analyses qualitatives de données, car les descriptions détaillées qu’on y trouve rappellent celles que l’on peut obtenir dans le cadre d’interviews en profondeur. Ils sont aussi facilement accessibles : nul besoin de passer par de longs processus de recrutement ni d’obtenir les approbations nécessaires du comité déontologique, les vidéos étant déjà accessibles au public.

    La première autrice a choisi les vidéos parmi celles qui lui étaient suggérées lorsqu’elle saisissait dans la barre de recherche les termes acne, story et skin. Elle a sélectionné les cinq premières vidéos parmi les suggestions directement générées par sa recherche et les 19 autres en utilisant la barre des vidéos recommandées. Elle s’est intéressée aux vidéos recommandées sachant que plus de 70 % des vues sur YouTube sont déterminées par son algorithme (Nicas, 2018). Aucune des vidéos n’était cryptée ou protégée par un mot de passe ni n’exigeait l’approbation d’un modérateur. Puisque les vidéos YouTube sont des « performances publiques » (Fullenkamp, 2019, 95) qui sont conçues pour être partagéeset parce qu’inévitablement, ce partage est étroitement lié à une quête de visibilité (Duffy et Meisner, 2022 ; Toffoletti et Thorpe, 2018) —, les noms qui figuraient sur les chaînes YouTube ont été utilisés. Comme l’explique Fullenkamp (2021), « les vlogueurs renoncent à leur anonymat et s’attendent à faire l’objet en continu d’un regard différé » (101).

    Les auteurs ont compensé le « travail de visibilité » (Abidin, 2020, 78) fait par les vlogueurs de l’échantillon en s’abonnant à leur chaîne et en leur accordant une mention « j’aime ». Les abonnements et les mentions permettent aux youtubeur·euse·s d’obtenir davantage de vues et d’ainsi attirer plus d’annonceurs qui paient pour placer des publicités dans leurs vidéos (Munnukka et al., 2019). C’est précisément ce travail de visibilité qui nous a convaincus d’éviter l’utilisation de pseudonymes. Les abonnements constituent une forme essentielle de soutien pour ceux qui s’engagent dans ce type de travail de visibilité (Munnukka et al., 2019). Ils offrent ainsi une voie éthique intéressante pour les chercheur·euse·s souhaitant éviter des pratiques de recherche exploitantes, en veillant à redonner aux sujets de leurs études plutôt que de simplement en tirer profit.

    ANALYSE DES DONNÉES

    Inspirée par les approches ethnographiques de l’observation de terrain, la première autrice a visionné les vidéos et pris des notes détaillées sur les contenus qui rendaient compte des caractéristiques principales des expériences incarnées de l’acné vécues par les youtubeurs. S’appuyant sur une approche inductive, elle a eu recours au codage ouvert pour recenser des thèmes communs à l’ensemble des vidéos et ainsi répondre aux questions suivantes : comment les vlogueurs décrivent‑ils les expériences incarnées de l’acné qu’ils vivent et comment ces expériences influencent‑elles leurs trajectoires de traitement?

    ÉCHANTILLON

    Notre échantillon de participants (n = 24) est composé de vlogueuses et de vlogueurs anglophones. Leurs vidéos, qui durent entre 15 et 30 minutes chacune, contiennent des images de l’acné dont ils souffrent et des récits personnels de leur expérience. Il n’était pas toujours possible de déterminer l’âge des participants, mais nous avons estimé qu’ils avaient entre 18 et 32 ans.

    L’acné touche des personnes issues de toutes les catégories raciales/ethniques et de tous les sexes/genres, mais la plupart des vidéos que nous avons examinées étaient faites par des personnes blanches (n = 20) et qui se présentaient comme des femmes (n = 22). En fait, la plupart des vidéos visionnées étaient réalisées par des membres d’au moins d’une de ces deux catégories. Leur surreprésentation indique que « la blanchité est une norme implicite sur YouTube » (Horak, 2014) et confirme l’affirmation selon laquelle le plus souvent, le « travail esthétique » (Elias et al., 2017) est réalisé par des femmes.

    LIMITES

    Notre processus d’échantillonnage a été influencé par l’algorithme de YouTube qui est stratégiquement manipulé par des producteurs de contenus et des « experts » des algorithmes pour améliorer la visibilité de certains types de contenus plutôt que d’autres (Bishop, 2019, 2020). De nombreux chercheurs ont fait valoir que l’algorithme était problématique parce qu’il favorisait le sensationnalisme et accentuait les inégalités en privilégiant les contenus produits par des personnes blanches et en marginalisant ceux produits par les autres (Bishop, 2018 ; Nicas, 2018 ; Pedersen, 2019). Il convient de garder à l’esprit les limites associées à l’algorithme de YouTube au moment d’examiner les résultats de notre étude.

    SITUER LES ENQUÊTEUR·TRICE·S

    La première autrice est une jeune femme blanche issue de la classe moyenne qui a déjà souffert d’une forme bénigne d’acné. Pendant les recherches qu’elle a faites dans le cadre de l’étude, elle a tenté, comme les youtubeurs auxquels elle s’est intéressée, de trouver des moyens de soigner son acné sans devoir consulter un dermatologue. En tant que « consommatrice‑patiente », elle s’est surtout tournée vers Internet en général et vers YouTube en particulier pour savoir comment régler le problème. Elle s’identifie avec la majorité des vlogueuses et des vlogueurs étudiés, la plupart étant des jeunes femmes blanches issues d’une classe sociale semblable à la sienne et ayant une histoire qui s’apparente à la sienne.

    Le second auteur est un homme blanc d’âge moyen issu de la classe moyenne. Il a déjà souffert d’une forme modérée d’acné, mais, vu son âge et le fait que l’acné n’est plus une préoccupation pour lui, il ne s’identifie pas particulièrement avec les vlogueur·euse·s dont les vidéos ont été choisies dans le cadre de l’étude. Cela dit, la question de l’identification (ou de l’absence d’identification) ne présente que peu d’intérêt, car l’auteur n’a pas été impliqué dans le processus de collecte de données et n’a pas, par conséquent, travaillé aussi étroitement sur les vidéos que la première autrice. La contribution du second auteur a surtout consisté à étoffer la revue de littérature, le cadre théorique et l’analyse des données et à aider à la rédaction.

    RÉSULTATS

    Notre analyse de données a permis de dégager trois thèmes liés aux expériences incarnées de l’acné : 1) la gestion de la vie du corps au quotidien ; 2) le rejet de l’expertise médicale et le recours à l’expertise profane ; 3) la vie avec un handicap ; 4) la fabrication d’une meilleure version de soi‑même.

    LA GESTION DE LA VIE DU CORPS AU QUOTIDIEN

    D’après les youtubeur·euse·s de notre échantillon, il faut, pour guérir de l’acné, s’engager dans une démarche d’introspection rigoureuse. Il s’agit notamment d’examiner attentivement la façon dont on traite notre propre corps, en particulier les aliments et les boissons que l’on consomme. Cette démarche est cruciale si l’on souhaite prévenir de futures poussées d’acné. Par exemple, dans la vidéo dans laquelle elle explique comment elle a réussi à se débarrasser de son acné kystique en deux semaines, Jazz Nicole dit : « Les soins de la peau peuvent permettre de prendre soin de ce qui est déjà là, mais la prévention est la clé. »

    Nombre des vlogueurs affirment que l’importance qu’ils accordent à la prévention par l’alimentation va à l’encontre des conseils qu’ils ont reçus de la part des experts médicaux. « Quand on mange mal, le corps doit trouver le moyen de libérer ces toxines, et il le fait notamment à travers les pores de la peau, ce qui donne lieu à des poussées d’acné », explique Kristina dans l’une de ses vidéos. Elle considère ainsi l’acné comme la voie de sortie des aliments « malsains » qu’elle consomme et attribue son problème de peau au fait qu’elle ne prête pas suffisamment attention à ce qu’elle mange et ne consomme pas suffisamment d’aliments riches en nutriments.

    Pour Kristina, prêter une plus grande attention au corps ne veut pas seulement dire manger des aliments plus sains, c’est aussi essayer de comprendre ce que le corps essaie de communiquer quand l’acné apparaît. Elle l’explique de la manière suivante : « Il ne fait aucun doute que je n’écoutais pas mon corps : il était clair qu’il essayait de me dire quelque chose. » Kristina avait l’impression que son acné apparaissait quand elle se négligeait, en particulier dans les périodes plus stressantes, une impression partagée par une autre vlogueuse, Patrice, qui a souffert d’acné kystique sévère pendant environ deux ans et qui croyait que ce qui « se passait sur [s]a peau » était « un reflet de ce qui survenait à l’intérieur ». Patrice, comme Kristina, considérait que ce qui se produisait à l’intérieur de son corps n’était pas étranger à ce qui se passait à l’extérieur.

    D’après les youtubeur·euse·s de notre échantillon, l’acné causée par une « mauvaise alimentation » est souvent exacerbée par une intolérance à certains aliments qui contiennent des ingrédients comme le gluten et les produits laitiers. Allison, qui avait vu son acné kystique s’aggraver pendant l’avant‑dernière année de ses études secondaires, explique que l’élimination du gluten et des produits laitiers de son alimentation a été la première étape de la guérison. Après des années de visites infructueuses chez le dermatologue et de traitements antibiotiques inefficaces, elle est arrivée à la conclusion suivante : « Ce qui compte le plus, c’est ce que tu mets dans ton corps et la façon dont tu traites ton corps et ta santé intestinale. » Même si, comme elle le dit elle‑même, « les dermatologues que j’ai vus dans le passé m’ont dit que l’alimentation n’avait pas d’effet sur la peau », elle affirme, comme Katrina et Patrice, que ce n’est que lorsqu’elle a fait des changements dans son régime alimentaire que l’état de son acné s’est amélioré.

    L’expérience d’Allison concorde avec le témoignage de Sarah Therese, une jeune mère qui raconte comment l’acné est apparue sur son front, son menton, sa poitrine et son dos. La jeune femme conclut elle aussi que ses problèmes d’acné sont principalement dus à ce qu’elle consomme : « Je dois faire très attention à ce que je mange, car ça a des effets directs sur ma peau. » Bryan, dont la chaîne YouTube est axée sur les moyens de guérir l’acné, abonde dans le même sens que Sarah Therese. Dans l’une de ses vidéos, il dit : « Chaque fois que tu consommes quelque chose qui est mauvais pour toi, ton corps doit trouver le moyen de l’éliminer, et l’acné est l’un des moyens qui lui permettent de le faire. »

    Bekah, une vlogueuse qui a fait deux cycles de traitement par Accutane et qui a commencé à avoir des poussées d’acné six mois après la fin du second traitement, dit que la consommation de kimchi a beaucoup aidé à assainir sa peau. Dans les conseils qu’elle donne à son public, Bekah insiste sur le fait que les changements apportés aux habitudes alimentaires doivent être appliqués de manière systématique et qu’il est important d’intégrer des aliments riches en probiotiques dans son régime quotidien si l’on souhaite obtenir des résultats positifs. Comme celles d’autres vlogueurs, les croyances sur lesquelles reposent les pratiques de Bekah en matière de recours aux soins s’articulent autour de changements permanents du mode de vie qui concernent surtout le régime alimentaire et la santé intestinale.

    De nombreux vlogueurs mentionnent d’autres changements simples de mode de vie qui contribuent selon eux au processus de guérison. Cassandra dit par exemple avoir remarqué une légère amélioration de l’état de sa peau après avoir commencé à utiliser une taie d’oreiller dont le tissu ne contient pas de substances chimiques ignifugeantes et un détergent à lessive « naturel [et] respectueux de l’environnement ». De la même façon, dans une vidéo dans laquelle elle explique qu’elle doit respecter un rituel de soins si elle veut que sa peau reste belle, Kristina dit qu’elle a pu « accélérer le processus de guérison » en limitant le nombre de produits qu’elle applique sur sa peau. Elle conseille ainsi à son public de faire preuve de modération dans l’utilisation de produits pour la peau, car elle associe une consommation excessive à des dommages et une consommation contrôlée à la guérison.

    LE REJET DE L’EXPERTISE MÉDICALE ET LE RECOURS À L’EXPERTISE PROFANE

    Tous les vlogueurs affirment avoir d’abord consulté un médecin. Cependant, à l’exception de Bryan, d’Alexia (qui a félicité son médecin de lui avoir donné la possibilité de pleurer pendant les consultations) et de Mari (qui a pu régler son problème en suivant la diète cétogène que lui avait recommandée sa médecin), ils se disent tous insatisfaits et frustrés des traitements reçus. Ils ont tous l’impression que les médecins ne leur ont pas donné d’informations utiles et qu’ils n’avaient pas suffisamment de temps pour leur prodiguer les soins personnalisés dont ils avaient besoin. Ils ont aussi l’impression que les médecins leur ont prescrit des médicaments coûteux et souvent inefficaces qui ont parfois eu pour effet d’aggraver leur problème.

    Au cabinet de dermatologie que Mari a consulté après une poussée d’acné kystique, on lui a prescrit plusieurs cycles de traitement avec différents antibiotiques. Voyant que son acné continuait de s’aggraver, la jeune femme a décidé de consulter son gynécologue. Elle soupçonnait en effet qu’un déséquilibre hormonal était à l’origine de son acné et que son gynécologue pourrait l’aider. Ce dernier lui a recommandé de passer des tests sanguins auprès d’une autre médecin. Les résultats ont montré que son taux de testostérone était « plutôt élevé ». Mari a suivi les suggestions de sa médecin qui lui recommandait d’adopter le régime alimentaire cétogène. « Rien n’a aussi bien fonctionné que le régime cétogène », raconte‑t‑elle dans une vidéo. Elle croit que le régime en question permet de traiter efficacement le déséquilibre hormonal dont elle souffre, ce qui a pour effet d’assainir sa peau. L’histoire de Mari offre un exemple de la façon dont les vlogueur·euse·s de l’échantillon privilégient les traitements holistiques qui ciblent les profondeurs du corps plutôt que sa surface seulement.

    La déception par rapport aux soins médicaux conventionnels est un thème récurrent chez les youtubeur·euse·s. « Je pensais que le premier endroit où l’on devait aller quand on fait de l’acné était le bureau d’un dermatologue. Avec le recul, je me dis que je n’aurais même jamais dû y mettre les pieds », raconte Mari. Quant à Joe, qui a souffert d’acné sévère, il affirme que « les soins de santé privés qui coûtent cher ne sont pas toujours la voie à suivre [1]
    ». Il raconte la consultation qu’il a eue avec un dermatologue qui exerçait en pratique privée. Ce dernier lui conseillait de prendre Roaccutane, ce qui, de l’avis de Joe, ne s’inscrivait pas dans un processus sain de guérison vu les graves effets secondaires associés au médicament. Comme Joe, Olivia se plaint des coûts des soins de santé privés et de leur utilité limitée : « J’ai dépensé beaucoup d’argent que je ne voulais pas dépenser pour me faire dire des choses que je savais déjà. » Et comme Joe et Olivia, Kayla, qui a souffert d’acné kystique chronique, signale des lacunes dans les conseils obtenus auprès d’experts médicaux. D’après elle, ils n’ont tout simplement « pas le temps de trouver les solutions qui vous conviennent ».

    Le mécontentement généralisé face aux options de traitement offertes par la médecine traditionnelle explique qu’un grand nombre de vlogueurs ont développé un modèle explicatif individuel qui rejette l’expertise médicale traditionnelle et fait appel aux savoirs profanes. Les histoires qu’ils racontent sur les raisons qui expliquent l’apparition de l’acné et la façon dont elle peut être traitée se distinguent plus qu’elles se rapprochent des interprétations des dermatologues. Contrairement au dermatologue qu’Alexia[2] a vu, qui lui a dit que son acné était « une question de chance », les vlogueurs concluent de leurs expériences que ce sont des choix de mode de vie comme ceux qui concernent l’alimentation et l’hygiène qui déterminent en fin de compte les causes et les traitements de l’acné.

    LA VIE AVEC UN HANDICAP

    Les vlogueur·euse·s de notre échantillon décrivent l’acné non pas seulement comme un problème à régler mais aussi comme un handicap à gérer. À titre d’exemple, Alexia raconte dans l’une de ses vidéos que son acné kystique s’était aggravées à un point tel que les vaisseaux sanguins de son visage avaient commencé à éclater. Pour elle, l’acné n’était pas seulement un calvaire sur le plan esthétique, c’était aussi un grave problème physique, car les kystes qu’elle avait sur le visage étaient à l’origine de douleurs chroniques et de saignements. La jeune femme raconte qu’elle venait tout juste d’obtenir son diplôme d’esthéticienne quand elle a commencé à avoir des poussées d’acné et que son problème de peau était si grave qu’elle n’a pas pu trouver un emploi. Elle explique qu’aucun salon n’embaucherait une esthéticienne souffrant d’un problème d’acné aussi grave que le sien, car la clientèle ne peut pas s’attendre à ce qu’une personne soit « rendue belle » par une autre personne « qui ne réussit pas à se donner une belle apparence ». L’histoire d’Alexia démontre que l’acné n’est pas seulement un obstacle esthétique et un problème physique : c’est aussi un handicap sur le plan social et économique.

    Dans notre échantillon, Alexia est la seule qui affirme que son acné a limité sa capacité à trouver un emploi. Annie, qui gagne sa vie comme youtubeuse, dit avoir refusé « de nombreux engagements » quand il était impossible de cacher son acné. Elle ajoute qu’elle aurait été « trop mal à l’aise » d’exposer son acné à son public et que cela aurait pu nuire à l’accomplissement du travail esthétique dont dépend son succès en ligne. De la même façon, Mari, qui était en train de développer sa présence sur les médias sociaux lorsqu’elle a eu des poussées d’acné kystique, dit avoir arrêté de créer des contenus sur YouTube et Instagram à cause de son problème. Comme Annie et Mari, d’autres vlogueuses et vlogueurs préféraient rester chez eux et limiter les contacts avec leurs amis, leurs collègues et leurs abonnés en ligne quand leur acné s’aggravait. Cynthia, qui a commencé à avoir des poussées d’acné kystique en première année d’université, raconte qu’elle n’avait même plus envie de passer du temps avec ses amis. « Tu te réveilles le matin et tu n’as envie de voir personne », explique‑t‑elle. Paris se rappelle ce qu’elle faisait quand elle souffrait d’acné : « J’étais couchée dans mon lit, je ne parlais à personne et je ne faisais que pleurer. »

    Allison parle aussi de sa préférence de rester à l’intérieur. Elle se rappelle : « Il y a eu des moments où il suffisait que je me regarde dans le miroir pour me mettre à pleurer […] L’acné me poussait à m’isoler dans ma chambre. » Elle raconte en détail comment son problème d’acné la handicapait en l’obligeant à renoncer à certaines activités et en la restreignant dans ses possibilités de s’exprimer. Elle raconte que dans les résidences pour étudiants où elle vivait, elle prenait soin de se doucher à des moments précis de la journée pour que les autres, « les garçons, en particulier », ne la voient pas sans maquillage. Elle apportait sa trousse de maquillage dans les soirées pyjama et s’appliquait du fond de teint avant que ses amies se réveillent. Et quand elle a commencé à fréquenter son partenaire actuel, Allison « [attendait] jusqu’à la dernière seconde pour [se] laver le visage », et s’arrangeait pour qu’il ne voie pas son visage sans maquillage sauf dans le noir.

    Comme Allison, Sarah raconte qu’elle avait l’impression que sa vie tournait autour de la gestion de son acné et de l’atténuation de ses effets négatifs : « Tout ce que je faisais dans le jour concernait ma peau. » Le témoignage de Sarah ressemble à celui de Kayla, qui illustre bien la nature handicapante de l’acné. Kayla souffrait depuis six ans d’un « grave problème d’acné kystique d’origine hormonale » et elle préférait rester chez elle et éviter de voir des gens. Quand la personne avec qui elle partageait son appartement a commencé à inviter régulièrement des gens à la maison, Kayla est retournée vivre chez ses parents parce qu’elle ne voulait pas « être prise au dépourvu » vu son problème de peau. Une fois de plus, la nature handicapante de l’acné est illustrée par ses répercussions sur les plans social et économique : elle limite les débouchés professionnels des vlogueurs, mais aussi leurs perspectives sociales.

    La crainte d’être stigmatisé est un autre élément important qui explique que les vlogueurs se sentent handicapés par leur acné. Les lésions qu’ils ont sur le visage provoquent une douleur physique, certes, mais il y a aussi la honte et l’humiliation associées à la façon dont les autres les voient et à la perception qu’ils ont d’eux‑mêmes. Ibrahim, qui a commencé à souffrir d’acné pendant la deuxième année du secondaire (niveau collège, 13‑14 ans), se rappelle le sentiment de dégoût qu’il s’inspirait lui‑même : « [Mon acné] m’a vraiment brisé… Je manquais tellement de confiance en moi […]. Je me rappelle avoir songé que j’étais répugnant. » Pour cacher son acné, il portait des sweats à capuche qui lui permettaient de dissimuler son visage. Il ne se laissait pas approcher par crainte que l’on voie sa peau de près. L’acné d’Ibrahim a joué un rôle déterminant dans la façon dont il vivait ses interactions sociales, s’habillait et occupait l’espace. Dans l’une de ses vidéos, Kayla parle elle aussi de la répugnance de soi qu’elle ressentait : « Je détestais mon apparence physique, mais je commençais aussi à détester la personne que j’étais. »

    LA FABRICATION D’UNE MEILLEURE VERSION DE SOI‑MÊME

    Pour les vlogueur·euse·s, la fabrication d’un soi amélioré est associée au travail qui est fait sur le corps pour devenir de « meilleures » versions d’eux‑mêmes. Dans certains cas, il s’agit de réaliser sur le corps un travail qui les fait se sentir plus authentiques. Pour de nombreux youtubeurs de l’échantillon, apparaître plus authentiques veut aussi dire avoir plus d’agentivité et renforcer l’autonomie acquise grâce aux vidéos. Annie, par exemple, a choisi de retoucher numériquement l’apparence de sa peau dans ses vidéos et ses photos de façon qu’elle apparaisse sans imperfections. Elle est consciente que certaines personnes pourraient la juger, mais elle ne s’est jamais « sentie coupable » de le faire. Elle explique que d’exposer son acné dans ses vidéos lui donnait l’impression d’être moins elle‑même et que retoucher son apparence était, comme elle le dit elle‑même, « la seule chose [qu’elle] pouvai[t] faire pour [se] sentir [elle]‑même ». Il ne s’agit pas seulement de dissimuler un handicap : en retouchant numériquement sa peau, Annie se sent davantage elle‑même, car elle peut contrôler son apparence en utilisant des moyens auxquels elle peut difficilement avoir recours dans « la vraie vie ». Elle croit que d’avoir ce contrôle contribue à faire d’elle ce que tous les vlogueurs cherchent à être, à savoir une personne crédible qui suscite l’affection de son public et à qui ce dernier s’identifie.

    Contrairement à Annie, le travail sur la peau que fait Sarah ne vise pas à en modifier numériquement l’apparence mais à mieux la comprendre. Après avoir vu cinq dermatologues et un naturopathe, elle est arrivée à la conclusion que « personne ne [l]’aiderait [à se soigner] » et qu’elle devrait s’en charger elle‑même. Il s’agissait notamment de se renseigner sur les structures et les fonctions de la peau, une entreprise dans laquelle s’est aussi lancée Cassandra. Cette dernière encourage celles et ceux qui visionnent ses vidéos à développer leur propre routine de soins en adoptant une approche personnalisée. « Tu dois te familiariser avec ta peau et parvenir à la comprendre si tu veux réussir à la traiter », explique‑t‑elle. D’autres vlogueurs et vlogueuses, comme Kristina, abondent dans le même sens. La jeune femme raconte qu’après avoir essayé chaque semaine de nouveaux produits cosmétiques, elle a voulu « trouver une solution et régler ça une fois pour toutes ». C’est lorsqu’elle a commencé à faire des recherches « pour résoudre le problème » qu’elle a découvert qu’elle devait guérir son corps « de l’intérieur ».

    La fabrication d’un soi authentique coûte cher. Kristina raconte avoir consacré beaucoup d’argent à l’achat de produits naturels et de cures thermales. Allison dit dans sa vidéo qu’elle épargne pour se payer une procédure cosmétique non invasive, un traitement au laser qui coûte 3000 ou 4000 dollars américains. De la même façon, Kayla dit s’être procuré de coûteux suppléments probiotiques (100 dollars américains pour 20 g) qu’elle prenait chaque jour pour préserver sa santé intestinale. Elle voyait cette dépense comme « un investissement pour [elle]‑même et pour [s]a peau ». Les produits et traitements coûteux comme ceux dont parlent Kayla, Kristina et Allison sont vus par les vlogueurs comme des outils essentiels leur permettant de devenir davantage eux‑mêmes.

    Les histoires des vlogueuses et des vlogueurs présentent des similarités et des différences, certes, mais toutes (à l’exception de celle d’Olivera, qui dit ne pas savoir exactement comment elle a réussi à se débarrasser de son acné) passent par la maîtrise de la peau (skin mastery). Kristina affirme qu’elle ne peut maîtriser sa peau qu’à condition de comprendre « tout ce qu’elle ne fait pas correctement ». Tous les vlogueurs disent avoir l’impression que leurs habitudes de vie ont des effets dommageables sur leurs corps et que ces effets se manifestent par l’acné. Les vlogueurs décrivent les changements qu’ils ont apportés à leur mode de vie et la façon dont ces changements leur ont permis d’exercer un plus grand contrôle sur leur peau. On entend ici par contrôle le fait de se conformer strictement à certaines habitudes de vie, bien sûr, mais aussi d’utiliser les capacités de l’esprit pour maîtriser les désirs du corps. « Vous devez avoir la volonté d’intégrer des aliments riches en probiotiques dans votre régime alimentaire… [mais ça] n’aidera pas si vous mangez mal le reste du temps », insiste Bekah. Allison abonde dans le même sens : « Si vous mangez un tout petit morceau de pizza, ça aura quand même un effet sur votre peau. » Ainsi, pour les vlogueurs de notre échantillon, la fabrication d’un soi amélioré ne passe pas seulement par le travail qui est fait sur la peau au moyen de la technologie, de l’éducation et des investissements financiers, mais aussi par la résistance aux tentations pour devenir de meilleures versions d’eux‑mêmes.

    DISCUSSION

    Suivant les principes épistémologiques qui caractérisent les domaines des études de la peau et des études du corps, nos résultats montrent que la peau est un projet continu, qu’elle est créée à travers des pratiques incarnées et le sens qu’on leur attribue, et qu’elle est « omniprésente [et qu’]il est impossible d’y échapper » (Lafrance, 2018, 106). Comme nos données le démontrent, les personnes qui souffrent d’acné n’ont d’autre choix que d’interagir avec elle en employant des moyens qui sont à la fois habilitants et handicapants : ils sont habilitants parce qu’ils permettent l’acquisition de nouvelles formes de savoir et de nouvelles stratégies pour intervenir dans la vie du corps, mais ils sont aussi handicapants en ce qu’ils exigent un travail harassant et des sacrifices financiers et s’accompagnent d’expériences de discrimination et, surtout, d’une détresse psychosociale. La nature simultanément habilitante et handicapante de la guérison de l’acné confirme les résultats des études précédentes menées par Lafrance et Carey (2018, 2020), en particulier ceux qui concernent la façon dont les personnes qui souffrent d’acné gèrent leur corps du matin au soir, chaque jour, et qui, dans cette démarche, rejettent souvent l’expertise médicale au profit des savoirs profanes.

    Les expériences vécues par les vlogueurs de notre échantillon montrent que l’acné est souvent perçue comme un handicap. Vu ses conséquences sur les plans économique et social et ses effets sur la santé mentale, il ne fait aucun doute que souffrir d’acné est, pour nombre d’entre eux, une affaire d’« identité gâchée » (Goffman, 1963 ; Weiss, 1997) qui les fait se sentir comme des « biens endommagés » (Murray et Rhodes, 2005, 191). En outre, comme ceux auxquels se sont intéressés Murray et Rhodes (2005), les youtubeurs étudiés affirment que le fait de souffrir d’acné les a incités à changer leur comportement pour limiter les situations dans lesquelles ils devaient montrer publiquement leur visage. Cependant, les vlogueurs de notre échantillon ne disent pas avoir perdu des compétences ou des liens sociaux en raison de l’évitement des interactions qu’ils pratiquent, contrairement à ceux dont il est question dans l’étude de Murray et Rhodes (2005, 197).

    Contrairement aux études précédentes, notre étude révèle que les discussions sur l’authenticité sont courantes chez les personnes qui souffrent d’acné. Cela s’explique peut‑être par le fait qu’elle a été menée auprès d’une communauté de travailleur·euse·s de la visibilité dont le gagne‑pain dépend de la capacité à attirer les utilisateurs. Comme l’affirment Bell et Leonard (2018) et Duplantier (2016), il est crucial pour les vlogueurs de présenter un soi authentique, naturel, qui suscite l’affection du public et à qui il s’identifie. Les youtubeurs de notre échantillon font des vidéos sur la manière de vivre avec l’acné et d’en guérir, mais ils ont malgré tout l’impression que la maladie interfère avec leur capacité de présenter à leur audience leur soi le plus authentique. Ils ont donc recours à des moyens qui leur permettent de cacher leur acné en modifiant numériquement leur image. Pour eux, l’authenticité passe par la modification du corps au moyen des technologies, ce qui, comme l’affirment Elias et al. (2017), contredit les tendances en vigueur dans le monde numérique qui associent les corps non modifiés avec le naturel et les corps modifiés avec l’artificiel. En fin de compte, l’« écran » était à la fois littéral et métaphorique pour les vlogueurs que nous avons étudiés, car il leur servait à retravailler la peau affligée par l’acné et à se créer leur propre peau.

    L’acné a incité certains des youtubeurs étudiés à rechercher de nouvelles formes d’authenticité, mais elle a aussi poussé plusieurs d’entre eux à entreprendre une démarche de fabrication de soi. Ce faisant, ils se sont lancés, avec l’appui d’une communauté numérique de patients experts, dans une quête individuelle visant à s’exprimer au moyen du travail qui est fait sur le corps (Le Breton, 2011). Contrairement aux contextes médicaux, où l’individu est considéré comme un bénéficiaire passif, les contextes d’expertise profane sont caractérisés par la vision selon laquelle les individus (et, souvent, les consommateurs individuels) devraient opérer leur propre guérison en remettant en question leur mode de vie et en changeant leurs habitudes. Nos résultats vont ici dans le même sens que ceux de Borgerson et Schroeder (2018, 111), selon lesquels « la quête qu’entreprend le consommateur pour avoir une belle peau favorise un régime rigoureux qui va au‑delà de l’épiderme », une quête qui est liée « aux enjeux corporels du travail esthétique et du travail affectif » (106). Ils concordent aussi avec ceux de Lafrance et Carey (2018, 2020), qui soulignent les liens étroits qui, à l’ère néolibérale, existent entre le travail sur la peau, d’une part, et le consumérisme des patients et les options de soins accesssibles sur le marché libre, d’autre part.

    Si nos résultats convergent avec ceux de Lafrance et Carey (2018, 2020) sur certains points, ils s’en écartent cependant sur d’autres. Ainsi, contrairement aux vlogueurs de notre échantillon, certains des utilisateurs du forum acne.org dont il est question dans leurs études acceptent leur acné et estiment qu’elle leur permet d’ébranler les notions néolibérales selon lesquelles nous sommes responsables de notre apparence et les normes hétéropatriarcales associées à la façon dont les sujets genrés doivent gérer leur problème de peau (Lafrance et Carey, 2018, 77). « Nos » youtubeurs, à l’inverse, restent déterminés à trouver une solution à leur problème d’acné. Cette différence s’explique probablement, du moins en partie, par le fait que l’activité des vlogueurs est intrinsèquement liée au travail de visibilité.

    Pour finir, notre étude montre dans quelle mesure la quête d’une peau sans imperfection est façonnée par le privilège de classe sociale et les normes de genre. Des vlogueuses et des vlogueurs de notre échantillon parlent dans leurs vidéos de cures thermales et d’aliments et de suppléments alimentaires qui coûtent cher. Il est évident que le travail qu’ils font sur leur peau n’est pas à la portée de tout le monde vu le temps libre et les moyens financiers qu’il exige. La plupart des youtubeur·euse·s étudiés sont des femmes, et plusieurs d’entre elles ont un emploi qui exige d’elles une peau sans imperfections (esthéticienne ou influenceuse, par exemple). Ainsi, les femmes de notre étude ont peut‑être les moyens financiers nécessaires pour se procurer des produits onéreux, mais elles se retrouvent aussi souvent dans des situations où, pour être des sujets désirables et prisés, il est culturellement attendu d’elles qu’elles assument le fardeau économique associé à la quête d’une peau parfaite d’une manière qui rappelle la vision du corps de la femme comme un objet qu’il convient de « discipliner » décrite par Bartky (1990) et le « travail émotionnel » fait par les femmes décrit par Hochschild (2012).

    CONCLUSION

    Comme les recherches qualitatives précédentes portant sur les expériences incarnées de l’acné, notre étude permet de mieux comprendre comment les pratiques de recours aux soins façonnent le monde numérique et sont façonnées par lui. Elle illustre également la valeur de YouTube en tant que site d’exploration intellectuelle où foisonnent « les histoires de gens ordinaires qui se réconcilient avec des événements importants de la vie et qui donnent à réfléchir » (Fullenkamp, 2019, 87). Le rejet des perspectives et des pratiques médicales, le développement d’une expertise profane et la fabrication de soi par l’introspection et la recherche indépendante ont été les principaux moyens par lesquels les vlogueur·euse·s de notre échantillon ont établi des trajectoires de guérison. Cela démontre le rôle de plus en plus important que joue Internet par rapport à la santé (Chen et al., 2018 ; Hämeen‑Anttila et al., 2018) et illustre l’essor de l’expertise profane.

    Pour les personnes qui guérissent de l’acné, une peau sans imperfection est un signe d’assiduité et de détermination. En d’autres mots, en cette ère néolibérale où il est d’usage de considérer le mérite dans l’invention de soi (Bishop, 2018 ; Ringrose et Walkerdine, 2008), la peau d’une personne reflète son éthique de travail. Les vlogueurs auxquels nous nous sommes intéressés ne se sont pas contentés d’être les bénéficiaires passifs d’un traitement médical générique : ils ont entrepris une démarche de guérison qui passe par l’expertise profane et par une éthique de travail rigoureuse visant à se fabriquer eux‑mêmes un corps exempt d’acné. Pour guérir, ils ont dû travailler sur leur peau, sans relâche. Soulignant l’importance de « comprendre » sa peau et le rôle central que joue cette compréhension dans le processus de guérison, Cassandra conclut sa vidéo avec un rappel poignant : « On ne naît pas avec la beauté : c’est quelque chose qu’on doit apprendre et qui se mérite. »

    REMERCIEMENTS

    La première autrice aimerait remercier les universitaires C. Anne Claus et Día Joy Wright pour leurs conseils et les commentaires judicieux formulés sur les versions préliminaires de cet article. Elle souhaite aussi adresser des remerciements à Marie‑Louise Buteri pour son aide et pour les moments de camaraderie qu’elle a partagés avec elle pendant les recherches et la rédaction de l’article. Le second auteur aimerait quant à lui remercier les professeurs Martin French et David Howes pour les observations pertinentes qu’ils ont faites sur des versions antérieures de cet article.

    FINANCEMENT

    Les auteurs ont révélé avoir reçu le soutien financier suivant pour la recherche ainsi que pour la rédaction et la publication de cet article. Celui‑ci s’appuie sur des travaux de recherche qui ont été financés en partie par le programme de bourses d’études du cycle supérieur de la Fondation nationale des sciences (bourse no G00006454). Les opinions, constatations et conclusions ou recommandations qui figurent dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de la Fondation nationale des sciences.

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    [1]. https://www.youtube.com/watch?v=p5N6tFob_Rw (15m53s).

    [2]. Les vidéos d’Alexia Sanchez ne sont plus disponibles. Impossible de savoir si c’était un homme ou une femme.