Danièle POMMEY REY
…me dit le Pr Martine Bagot en voyant entrer une patiente dont le visage était couvert de pansements.
C’était le premier jour en 2011 de ma collaboration bénévole à sa consultation. Je suivais donc Mme O de 2011 à 2014 une fois par quinzaine de ses 32 ans à ses 34 ans.
Pendant ces trois années, il y eu alternance de traitements antibiotiques et de traitements antidépresseurs couplés avec un léger neuroleptique. Comme traitement local des applications de neige carbonique sous compresse.
Les premiers mois, les résultats furent spectaculaires ! La neige carbonique aidait à calmer le prurit signalé à l’origine. Dès le début de la prise en charge, je demandais un bilan de personnalité : test de Rorschach, test de l’arbre et TAT. Ils décelèrent une personnalité plus que fragile inachevée, introvertie.
Le dessin de l’arbre fut inquiétant. Mme O dessina dans le haut de la page un arbre d’un centimètre sur un centimètre, alors qu’elle avait la surface d’une page type A4. Ce n’était pas d’un bon pronostic pour une psychothérapie efficace. En haut à gauche exprime le repli sur le passé et la petitesse de l’arbre un repli sur soi difficile à bouger…
Les échanges furent très pauvres au début puis lors de la 12ème séance elle arriva à me parler de son arrivée en France à l›âge de 14 ans, de ses trois ans à l’école où elle apprit le Français, puis de son mariage arrangé à 18 ans avec un homme commerçant de 11 ans son ainé. L’année suivante elle attendait son premier enfant. Et c’est là qu’un drame se noue pour elle. Son mari lui impose l’arrivée au foyer de trois garçons âgés de 10, 8 et 4 ans. Sa révolte refoulée traine encore et s’est substituée à cet acharnement sur sa peau. Des semaines plus tard, nous pouvons aborder la sexualité avec son mari. Un échec doublé d’une déception dans ses relations avec lui, au jour le jour. Mari, lui aussi introverti, incapable de lui exprimer un minimum de tendresse… Heureusement elle est comblée par leurs trois enfants (18, 16 et 8 tous trois excellents à l’école).
La suite de la thérapie, et les antidépresseurs, du plus léger au plus fort (l’anafranil© 75) n’arrivèrent pas à débloquer cette situation. Je conseillais une thérapie de couple qui fut refusée par le mari.
Puis Mme O me demandait à consulter à nouveau le Pr Bagot. Nous fîmes un essai de colchicine sans plus de résultat. Les excoriations sont cependant beaucoup moins profondes et Mme O a pu enlever ses pansements. Une hospitalisation en milieu psychiatrique fut proposée à mi-parcours de la psychothérapie Mme O a refusé, au prétexte qu’elle ne pouvait « abandonner ses enfants » (dixit). Une cure d’électrochocs aurait-elle pu faire oublier la révolte de ses 18 ans ? Nul ne le sait…