Référence électronique
Ragazzini J., (2023), « La peau du bodybuilder dans la lentille de Valerie Belin », La Peaulogie 11, mis en ligne le 28 octobre 2024, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/bodybuilder-valerie-belin
Jessica RAGAZZINI
Chargée de cours à l’Université du Québec en Outaouais, rattachée à l’Université Paris Nanterre et chercheuse associée à l’Université de Strasbourg.
Référence électronique
Ragazzini J., (2023), « La peau du bodybuilder dans la lentille de Valerie Belin », La Peaulogie 11, mis en ligne le 28 octobre 2024, [En ligne] URL : https://lapeaulogie.fr/bodybuilder-valerie-belin
Résumé
En 1999, la photographe Valérie Belin intègre pour la première fois la figuration humaine dans son travail en se consacrant aux images de culturistes masculins d’abord, puis de culturistes féminines. Les œuvres issues des séries Bodybuilders I et Bodybuilders II représentent la peau des culturistes comme vecteur d’une expression esthétique et identitaire dans le domaine sportif. À travers une réflexion transdisciplinaire entre la photographie et le bodybuilding, en résonance avec les perspectives historiques et socioculturelles, l’article interroge la manière dont la production artistique de Belin transcende la matérialité des corps bodybuildés et contribue à la narration sportive à travers la représentation de la peau. L’article s’appuie sur une analyse visuelle rigoureuse des séries de Belin, en les situant dans le contexte historique de la perception corporelle et la pratique sportive au tournant des années 2000. La chair est perçue comme une matière décontextualisée, lisse, brillante et tendue qui semble à première vue détachée de toute subjectivité. Le corps humain dénudé est présenté comme une surface plastique, malléable et sujet à une transformation jusqu’à la déformation. L’objectif plus général de cette réflexion transdisciplinaire est de comprendre comment la photographie participe aux modifications tégumentaires liées à la pratique sportive.
Mots-clés
Sport, Culturisme, Peau, Photographie, Corps‑objet
Abstract
In 1999, photographer Valérie Belin for the first time incorporated human figures into her oeuvre by initially focusing on images of male bodybuilders, and subsequently female bodybuilders. The works from the Bodybuilders I and Bodybuilders II series depict the skin of bodybuilders as a conduit for aesthetic and identity expression within the sporting realm. Through a transdisciplinary contemplation between photography and bodybuilding, resonating with historical and socio-cultural perspectives, the article probes how Belin’s artistic production transcends the materiality of bodybuilt forms and contributes to the sports narrative through the representation of skin. The article relies on a rigorous visual analysis of Belin’s series, contextualizing them within the historical perception of the body and sports practice around the turn of the 2000s. The flesh is perceived as a decontextualized, smooth, glossy, and taut material that at first glance appears detached from any subjectivity. The nude human body is presented as a plastic, malleable surface susceptible to transformation, even to the point of deformation. The overarching aim of this transdisciplinary reflection is to comprehend how photography engages with skin modifications associated with sporting practice.
Keywords
Sport, Bodybuilding, Skin, Photography, Body‑object
La peau est le point de convergence où l’art de Valérie Belin et le monde des bodybuilders se rejoignent pour créer une exploration visuelle fascinante de la corporéité humaine. Dans l’article « De l’art de la gymnastique (1569), au culturisme et aux premières compétitions organisées (1904). L’émergence du body‑building ? » Jacques Gleyse réalise une étude historique dans laquelle il présente le bodybuilding (en français culturisme) comme une pratique sportive et esthétique passant par l’appréciation d’un jury qui évalue l’harmonie musculaire des concourants (Gleyse, 2018, 27‑45). Un certain nombre de poses sont codées et imposées afin de mettre en valeur la musculature dans des mouvements lents ou dans des positions immobiles. Ce présent article s’inscrit dans la continuité des réflexions de Jörg Scheller qui voit une interrelation cruciale dans le développement contemporain du culturisme et de la photographie (Scheller, 2021, 62). Scheller considère la relation étroite entre la culture physique et artistique, soulignant comment la photographie a façonné la perception et la valorisation des corps musclés (Scheller, 2021, 66). Ce médium n’a pas seulement pour objectif de capturer l’image du sportif ; elle participe à la création d’une représentation idéale de force et de beauté (Scheller, 2021, 66). La photographie et le bodybuilding interagissent pour transformer le corps en une œuvre d’art visuelle vivante.
Dans ses séries de photographies intitulées Bodybuilders I et Bodybuilders II (1999), Belin se plonge dans l’univers des culturistes masculins et féminins, capturant la puissance «brute» de leurs corps sculptés. En tant que « plus bel objet de consommation » (Baudrillard, 1970, 199), la peau du culturiste nécessite un traitement particulier qui implique à la fois son étirement extrême provoqué par les entrainements sportifs, mais également une hydratation et un maquillage singulier pour faire ressortir la précision de chaque muscle donné à évaluer aux membres du jury. Le bodybuilding est donc à la fois un sport et une pratique d’exposition et d’appréciation visuelle. La photographie participe à cette culture de l’image du corps, Valérie Belin le capture sous différents angles, révélant ses plis, ses rides, sa rigidité, sa dureté, mais aussi sa fragilité et ses détails infimes. La peau des bodybuilders réagit à l’éclairage, créant des jeux d’ombres et de lumières qui confèrent une dimension sculpturale aux corps. Elle devient ainsi une matière plastique, une toile vivante sur laquelle sont inscrits les signes de l’effort, de la discipline et de la détermination.
Néanmoins, au‑delà de la simple représentation physique, Valérie Belin explore également la psyché des bodybuilders qui se reflète sur la surface de leur corps. Loin des images stéréotypées des concours de culturisme, ces photographies sont une invitation à réfléchir aux sacrifices et aux compromis que ces athlètes doivent effectuer pour atteindre leur idéal de beauté et de force. La peau devient le réceptacle des marques de cette quête incessante de la perfection corporelle. Les cicatrices, les stries, les marques sont autant de témoins silencieux de leur parcours.
L’article se concentre ainsi sur la problématique suivante : quelles perceptions de la peau des sportifs Valérie Belin propose‑t‑elle ? Et plus exactement, de quelle manière la représentation de la peau des bodybuilders immortalisée par le médium photographique participe‑t‑elle à transcender la matérialité du corps des culturistes ? L’objectif de cet article est de mettre en exergue la manière dont la photographie participe à la narration sportive par le travail de la peau. Plus précisément, l’étude de cas des deux séries de Belin permet de montrer l’apport spécifique de la subjectivité photographique. La méthodologie employée est principalement une analyse de l’image, au croisement de l’histoire de l’art et de la représentation du corps, appréhendée dans son contexte socio‑historique et culturel. L’article vise, ainsi, à défricher la pertinence de l’histoire de l’art pour analyser une pratique sportive, une approche particulièrement peu travaillée jusqu’alors. Les deux séries qui serviront d’étude de cas ayant été réalisées en 1999 ancreront la réflexion dans le tournant des années 2000, avant donc l’hégémonie des réseaux sociaux qui a notamment bousculé la représentation du corps sportif. Il sera d’abord question d’envisager la matérialité et les nuances de la peau. Il s’agira d’étudier les potentiels de la représentation photographique qui permet de percevoir le culturiste par‑delà sa peau. Puis, une réflexion autour de la photographie en tant que médium des modifications tégumentaires liées au sport sera présentée ; pour finir, l’article sera achevé par une ouverture plus large du propos en considérant la pratique d’autres photographes intéressés à la représentation du corps comme un objet.
Pour reprendre le néologisme employé par Jean‑Luc Nancy (2000, 31) et par Dominique Chevé (dans Bernas et Dakhlia, 2006, 43), la chair est « expeausée ». La peau est la matière par lequel l’être tant son physique que son intellect se donne à voir puisque « la peau est toujours double, l’individu n’en contrôle qu’une partie ; si elle cache, elle montre parfois dans le même mouvement » (Le Breton, 2010, 85). Elle est une frontière entre l’intérieur et l’extérieur du corps, tout en étant le moyen d’être‑au‑monde : elle est à la fois une barrière protectrice et une interface sensible avec le monde extérieur.
« L’image de chair montre la trivialité de notre rapport à la vie, à travers le corps. Et c’est bien la réminiscence constante de cette obsession de la chair ‑ montrée par les uns, reçue par les autres ‑ qui maintient l’identité occidentale, qui la marque, qui la stigmatise dans sa singularité » (Lahuerta, 2006, 58).
La réflexion développée au sein de ce présent article s’inscrit dans la continuité de la publication « Auto‑photography in aging studies: exploring issues of identity construction in mature bodybuilders » (2010, 167‑180) réalisée par Cassandra Phoenix qui analyse la manière dont la photographie permet de développer des identités incarnées du corps vieillissant des culturistes. Elle identifie trois types d’identité qui donneraient un aperçu de ce que les bodybuilders d’âge mûr considèrent comme important dans leur vie et leur monde social, à savoir un moi sain (healthy body‑self), un moi performant (performant body‑self) et un moi relationnel (relational body‑self). Les œuvres de Belin permettent de s’écarter de la photographie amatrice considérée par Phoenix, afin d’identifier les potentiels de la photographie artistique, notamment en regard de la représentation de la peau des culturistes qui est particulièrement travaillée dans leur discipline sportive. Phoenix identifie que la photographie (et dans son cas, plus particulièrement, l’auto‑photographie) a la capacité de représenter la vie comme si les personnes étaient en chair et en os (faisant oublier alors l’inertie du médium et de la figuration), l’image semble être une manière d’amplifier la présence et l’expérience du monde des culturistes représentés (« amplify their place in, and experience of the world », Phoenix, 2010, 168). Également, la chercheuse relève que les bodybuilders souffrent souvent d’une vision négative de la part de personnes extérieures à leur pratique sportive (Phoenix, 2010, 168), toutefois la photographe Valérie Belin parait être détachée de jugement de valeur. En mettant l’emphase sur la représentation de la peau, elle propose une réflexion plus complexe autour du culturisme.
Dans les séries de photographies Bodybuilders I et Bodybuilders II, la peau photographiée devient une frontière entre la force et la vulnérabilité de ces corps ayant tout souffert pour parvenir à développer une telle carrure. La vulnérabilité, terme qui s’est particulièrement rependu durant les années 1990, soit la décennie même des deux séries de Belin, évoque une fragilité tant physique que psychologique de l’instabilité des émotions humaines (Thomas, 2008, n.p.), malgré leur carrure particulièrement impressionnante, les athlètes sont soumis à la souffrance, à la douleur, à la vieillesse, à la tristesse comme n’importe quel individu. Comme le mentionne Dominique Chevé, la peau est indéniablement liée à la fois à la condition vivante, mais également à la mortalité inévitable à venir : « Si la chair, plus que le corps, est notre condition, elle manifeste à l’extrême dans les secousses épidermiques cette condition vulnérable et mortelle, cette vitalité et cette sensibilité » (Chevé, 2006, 42). Ce dualisme est particulièrement visible dans cette photographie qui témoigne de l’intensité des entraînements, de la musculation et de la vascularisation musculaire développée par les athlètes, qui rappellent autant leur force vitale que les problèmes de santé qui risquerait de les guetter. La photographie de cette peau est un Memento Mori. Elles deviennent des éléments visuels puissants qui rappellent la détermination des culturistes à atteindre un niveau de perfection physique.
Les muscles tendus et les veines saillantes créent un contraste saisissant par rapport à l’aspect lisse de l’épiderme huilé. Cette juxtaposition de la puissance physique et de la fragilité cutanée rappelle la dualité inhérente à la condition humaine. Les bodybuilders, malgré leur apparence robuste, sont eux aussi faits de chair et de sang, d’affects, de sensations, de plaisir et de douleur. L’utilisation du noir et blanc dans ces séries renforce cette idée en éliminant la distraction de la couleur pour se concentrer sur la texture et les détails de la peau.
La peau des culturistes devient le support visuel de leur engagement sportif. Les muscles hypertrophiés, résultat d’années d’entraînements intensifs, se dessinent avec une netteté impressionnante. Chaque veine, chaque relief musculaire est mis en évidence, créant une impression de force brute. Ces altérations physiques de la peau témoignent du dévouement à leur sport, de leur capacité à sculpter leur corps selon des normes esthétiques strictes.
« […] la compétition est une mise en scène des corps. Les compétiteurs doivent apprendre à valoriser leurs corps. Ils s’exercent à poser, ce qui leur demande de pouvoir contrôler leur respiration, d’apprendre à contracter les groupes musculaires devant être mis en valeur et accentués par le tan bronzant qui donne un effet visuel, et accentue la proéminence des muscles. Si l’on ajoute à cela l’épilation, tous s’inscrivent dans un esthétisme particulier qui consiste en une mise en scène de corps où l’apparence n’a d’importance et de valeur que dans un entre‑soi de « pratiquants‑connaisseurs » tant les codes et les normes sont nombreux. » (Jarthon, 2018, 58)
La compétition esthétique donne une dimension singulière à ce sport dont les capacités de la musculature sont complétées par une appréciation scopique qui vise à l’observation minutieuse passant avant tout par la peau, cet organe qui est l’un des plus visibles du corps humain. La notion de pose, de mise en évidence de la musculature lors des concours et l’exhibition de la chair font qu’il est sans doute l’une des activités physiques les plus pertinentes à photographier. Le travail de la peau avant les concours est donc tout aussi important que celui réalisé lors des intenses séances à la salle de sport. Comme le mentionne la chercheuse Jeanne‑Maud Jarthon, elle est soumise aux règles strictes de l’épilation complète dont son lissage est renforcé par l’ajout d’un tan bronzant. À ce sujet, Thierry Zambon explique au nom d’Euro Fitness Federation explique que :
« Sous forme liquide, ces préparations sont assimilées à des autobronzants ou sont aussi appelées « Tan sec ». Ils s’appliquent en une ou plusieurs couches, à plusieurs heures d’intervalle, suivant le ton souhaité et la clarté initiale de la peau. […] L’effet bronzant, artificiel, non gras, perdure de 2 à 5 jours. Un bon gommage de peau minimum la veille, voire l’avant‑veille de la première application (certains fabricants préconisent jusqu’à 3 ou 4 jours de gommage avant application).
‑ Selon le type de peau, pas d’hydratation excessive (lait corporel ou équivalent) pour faciliter la pénétration du tan.
‑ Le tannage se fait en multicouches jusqu’au maximum à la veille de la compétition. Éventuellement il est possible d’en remettre une couche le matin de la compétition, mais il faut prévoir au moins entre 20min à 45min de séchage (idem entre les couches)
Sous forme de pâtes, ces préparations sont clairement étudiées pour satisfaire les culturistes.» (Zambon, 2019, 7)
Dans les séries de Valérie Belin le corps en noir et blanc ne permet pas de savoir si la règle de l’harmonisation de l’application du tan est respectée. De plus, ces nuances de gris suppriment les éventuels impairs : les dégradés arrangent la carnation sans que d’éventuelles traces de mauvaises applications ou qu’un possible choix de couleurs artificielles ne soit perceptible. Le travail de Belin s’attache davantage à montrer la peau des culturistes comme étant à la fois lisse et rugueuse, tendue et plissée, reflétant la tension entre la force et la fragilité. Les altérations physiques de la peau, telles que les veines saillantes, créent un contraste frappant avec la douceur de la peau tendue. La précision et l’esthétique saisissante de ces photographies contribuent à leur impact émotionnel. Elles incitent le spectateur à s’attarder sur chaque détail de la peau, à explorer la topographie du corps des culturistes. Le noir et blanc permet également de transcender la réalité physique pour créer une représentation esthétisée de la peau en tant que sujet artistique. Elle invite le spectateur à réfléchir à la complexité de la condition humaine et à la manière dont le corps peut être à la fois un objet de désir esthétique et le reflet de l’effort et du sacrifice.
Belin exploite la lumière d’une manière qui met en valeur la texture, le tan et la forme de la peau des bodybuilders, accentuant le contraste entre les zones éclairées et les ombres. La lumière joue un rôle essentiel en révélant la définition et la sculpture des muscles, rendant presque palpable la texture de la peau. Elle crée une série de points saillants et de gradations tonales qui guident le regard et soulignent la topographie complexe des formes musculaires. Les éclairages utilisés sont positionnés pour maximiser le contraste et la définition, ce qui produit des ombres marquées. Cela met en exergue la nature tridimensionnelle des corps, créant une impression d’hyperréalisme qui fait presque oublier que ces images sont en deux dimensions. Ces choix artistiques révèlent non seulement la puissance et la force physique, mais traduisent également une esthétique qui se rapproche des standards de la sculpture classique où la lumière et l’ombre travaillent de concert pour donner vie à la forme.
La photographie contemporaine participe à la valorisation et l’esthétisation du corps humain dans les sociétés occidentales libérales et modernes. Selon Jörg Scheller, la photographie a joué un rôle crucial non seulement comme technologie, mais aussi comme pratique discursive qui façonne la façon dont les corps sont perçus et représentés, notamment à travers l’industrie de la culture physique (Scheller, 2021, 54). L’invention de la photographie est vue comme un phénomène qui coïncide avec son développement à la fois technologique et conceptuel. Le chercheur souligne également comment la photographie a contribué à rendre la culture visuelle moderne plus dynamique et « vivante », particulièrement quand elle capture des corps en pleine transformation, telle que ceux affectés par le fitness ou la musculation.
La peau du culturiste photographiée par Belin semble être une fenêtre opaque qui donnerait accès à l’intérieur du corps, exposant la structure et la fonction sous‑jacente des muscles et des vaisseaux sanguins.
« Le Body building est un hymne aux muscles, un retournement du corps sans écorchement, car les structures musculaires sont aussi visibles sous la peau vivante des pratiquants que sur les planches de Vésale. Et d’ailleurs l’entrainement implique de distinguer des séries musculaires à travailler séparément les unes après les autres. Pièce par pièce le body builder construit son corps à la manière d’un anatomiste méticuleux attaché à la seule apparence sous‑cutanée. » (Le Breton, 2013, 44)
Valérie Belin, Sans titre [#1],
série Bodybuilders II, 1999
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La photographie des culturistes de Belin est une sorte d’écorché vivant, sans qu’il n’ait besoin de nulle incision tant leur peau semble transparente. Le bodybuilding est une pratique qui engage un dépassement mental et physique du sportif (Loudcher, 2021), ce sport trouve un écho direct dans la manière dont Belin travaille ses images, en proposant de montrer le corps au‑delà de ce que des limites habituelles que ce que la peau permet habituellement de voir.
Si un gros plan était réalisé au milieu des omoplates de Sans titre [#1] (série Bodybuilders II), la jeune femme se perdrait au profit d’une toile charnelle. La peau se fait extrêmement fine, si discrète qu’il semble que les os sont sur le point de la transpercer, tandis que les muscles paraissent prêts à éclater. La finesse de la ligne du maillot semble presque plus solide et dure que l’épiderme. Ainsi, comme le mentionne Anna Caterina Dalmasso,
« L’ontologie de la chair nous mène à penser la surface du visible non plus comme le voile, couche extérieure, apparence ou simulacre, mais comme surface de profondeur et mode d’accès à l’être, par rapport à laquelle l’invisible est alors la nervure ou la membrure interne. On ne saurait pas détacher l’Être de sa structure d’apparition, le dissocier du style de son incarnation. » (Dalmasso, 2018, 243-244)
Valérie Belin, Sans titre [#2],
série Bodybuilders II, 1999
https://valeriebelin.com/wp-content/uploads/2017/12/000212.jpg
Dans la photographie, le physique du modèle est la seule chose que l’artiste possède pour parvenir à montrer la psyché de l’individu (Maillet, 2021, n.p.). Dans la série Bodybuilders II, deux femmes bodybuilders posent côte à côte, tenant des peluches en forme de kangourou et de koala (Sans titre [#2]). Ces accessoires singuliers produisent un contraste frappant entre le physique musclé, les maillots, les chaussures à talons hauts et ces objets doux et enfantins. La douceur des peluches se retrouve ainsi comparée à la douceur de leur peau lisse et tendue. Par cette association, la photographie explore les thèmes de la féminité, de l’humour, de la légèreté et de la force, et les manières dont ces concepts peuvent coexister et se défier mutuellement au sein d’une même personne. Cette photographie est révélatrice de l’appréciation différente du corps féminin et masculin dans le milieu du culturisme de la fin des années 1999 – début 2000, où « le culturisme féminin en France tend à disparaitre. […] Aujourd’hui, le culturisme féminin est magistralement relayé par le body fitness et le fitness qui concilient plus aisément l’exercice musculaire et la « beauté féminine » normative. » (Roussel & Griffet, 2004, 164). La beauté féminine normative ferait référence à une représentation archétypale d’une personne de sexe et de genre féminin, qui possèderait des seins, des fesses rondes, et qui serait également pourvue de caractéristique « socialement considérés comme féminines : l’expressivité, la grâce, l’esthétique […] » (Cholley‑Gomez & Perera, 2017, 6). La photographie de Belin met en avant la musculature, mais surtout les galbes des jeunes femmes en train de poser en s’inspirant davantage du fitness que de l’esthétique des poses masculines qui valorisent la musculature hors norme. Par ailleurs, les compétitrices doivent contrebalancer la carrure pouvant être considérée « trop masculine », les jurys incitants notamment à revêtir des signes d’exagération de la féminité tels que des maillots à strass, des paillettes, des rajouts de cheveux, du maquillage… et parfois même à avoir recours à de la chirurgie esthétique pour amplifier le galbe des seins (Cholley‑Gomez & Perera, 2017, 8). Par trompe‑l’œil, les maillots de bain clair photographié par Belin mettent en valeur le rebondi de la peau mate ; de même, les talons hauts soulignent naturellement la forme ovale des mollets. Par cette association d’une musculature développée et d’emploi d’accessoires qui renvoient au traditionnel idéal de beauté d’une femme avec des rondeurs, le culturisme féminin est d’un côté « […] un acte de résistance à l’archétype de la féminité » (Cholley‑Gomez & Perera, 2017, 8), et de l’autre, un retour sur à la discipline extrême du corps féminin destinée à l’appréciation d’autrui (le jury). Pour Marie Cholley Gomez et Éric Perera,
« Les bodybuildeuses interrogées affirment leur féminité, qu’elles considèrent avoir conservée, et même exacerbée par le biais de leur développement musculaire, démontrant la compatibilité d’une silhouette hypertrophiée avec des attributs féminins. Si elles rompent avec la définition « traditionnelle » du féminin, elles redéfinissent cette catégorie sexuée et les limites de la musculature imposées aux femmes. » (Cholley‑Gomez & Perera, 2017, 14).
À partir d’un travail de terrain réalisé entre 1990 et 1999 dans des salles d’entrainement de Finlande et de Los Angeles valorisant le Bodybuilding, la professeure Taina Kinnunen considère que « La pratique « dure » du bodybuilding transgresse en effet les conceptions dominantes quant à la manière dont les définitions sexuelles s’inscrivent sur le corps. Les adeptes véritables se distinguent des utilisateurs habituels des salles de musculation ; ils construisent avant tout leur identité en tant que bodybuilder et non comme sujet sexué » (Kinnunen, 2004, 320). Le contexte dans lequel Belin produit ses photographies permet d’envisager le culturisme de la fin des années 1990, comme une pratique du corps qui chercherait à construire une normalisation de la chair en marge d’idéal de beauté genré, promu par la société de consommation américaine et européenne de la fin des années 1990.
Valérie Belin, Sans titre [#3],
série Bodybuilders I, 1999
https://valeriebelin.com/wp-content/uploads/2017/12/990705.jpg
Dans sa première série, Valérie Belin photographie un homme dans une pose qui évoque le mouvement et la tension, transformant son corps en une expression de force brute et de volonté avec un plan rapproché (Sans titre [3], série Bodybuilders I). Le regard déterminé rappelle que la démarche extrême ou professionnelle résulte d’une philosophie « no pain, no gain » (Vallet, 2012, 1 ; Vallet, 2013, 48). Plus précisément, Kinnunen déduit de ses entrevues que :
« Le corps est simultanément perçu comme champ de possibles et comme objet de restriction. Pour le bodybuilder, il s’agit de dépasser les limites naturelles du corps. L’une des personnes interrogées indiquait que la majorité des gens s’arrêtent dès lors qu’ils ressentent douleur ou épuisement, mais qu’un véritable pratiquant comprend bien qu’« il est nécessaire de déchirer le tissu musculaire et d’apprendre à détester la partie du corps qui fait mal, tu dois presque croire que tu es comme un robot ». Loin de fuir la douleur, un authentique bodybuilder la recherche » (Kinnunen, 2004, 324).
En effet, dans la photographie de Belin Sans titre [3] (série Bodybuilders I), la manière dont le protagoniste est penché vers l’objectif avec une expression intense lui donne l’apparence d’une figure de proue, un objet conçu pour fendre les eaux de la résistance. Cette image transforme l’action physique en un moment figé, un objet visuel à contempler. Les deux séries de Belin sont réalisées dans la succession d’une filmographie hollywoodienne qui valorise le développement d’un corps surpuissant face aux innombrables dangers (Rambo I, II, III, 1982, 1985, 1988 ; Predator, 1987 ; Conan le Barbare, 1982 et Terminator, 1984, pour ne nommer qu’eux), elles puisent aussi dans l’imaginaire social qui répond aux vagues d’attentats des années 1990 et à la médiatisation des pensées et des pratiques posthumanistes (Maillet, 2021, n.p.).
Valérie Belin, Sans titre [#4],
série Bodybuilders I, 1999
https://valeriebelin.com/wp-content/uploads/2017/12/990704.jpg
Cet ancrage participe à mettre en montre le culturiste comme un surhomme.
« Cette conception mécaniste du rapport au corps, mi‑homme mi‑machine, fait émerger de nouvelles formes d’appropriation et de réappropriation d’un soi. De même, cette conception questionne également le statut du corps dans nos sociétés de performance : ne chercherait‑on pas parfois à le dépasser voire à s’en « débarrasser », du fait de ses faiblesses perçues comme des freins à l’« entreprise du corps » ? » (Perera, & Vallet, 2021, 419)
Dans les séries Bodybuilders I et Bodybuilders II, la peau des culturistes se fait le témoin des transformations physiques qu’ils subissent dans leur quête de la perfection corporelle. L’entrainement rigoureux, les techniques minutieuses et la détermination sont censés permettre le dépassement de la condition physique ordinaire du corps (Vigarello, dans Courtine, 2006, 174), car « ce corps technique […] est un corps mesuré. Ses progrès, comme ses entrainements, sont « machinés » » (Vigarello, dans Courtine, 2006, 178). Les muscles créent des ombres et des plis sur la surface cutanée, donnant l’impression que la peau elle‑même est sculptée par les veines saillantes qui traversent les bras et les jambes. Les corps semblent être d’une force illimitée.
« Il [le bodybuilder] endosse son corps comme une deuxième peau, un surcorps, une carrosserie protectrice, avec laquelle il se sent enfin à l’abri dans un univers dont il contrôle tous les paramètres. » (Le Breton, 2013, 45)
Ces transformations physiques spectaculaires engagent dans un entraînement rigoureux, un régime strict et des années de dévouement pour développer leurs muscles et leur physique. La peau travaillée donne l’impression de recouvrir un corps qui aurait la mollesse de la chair humaine, troquée contre une enveloppe rigide. Dans la série Bodybuilders I, un homme bodybuilder se tenant debout, les poings serrés, dans une posture qui dégage confiance et détermination (Sans titre [#4]). Son regard direct vers l’objectif et son expression faciale sévère renforcent l’aura d’intensité et de concentration. Sa peau est entièrement striée par les rides qui creusent son visage et par la saillie des veines principalement présente sur son corps et ses bras.
Le thème de la transformation de l’ordinaire en extraordinaire occupe une place centrale, dans le travail artistique de Belin, et le corps humain n’y fait pas exception. Dans ses deux séries Bodybuilders, la surface qui recouvre le corps ne semble plus être une simple peau, elle parait avoir muté en une matière à mi‑chemin entre la chair sensible et le cuir inerte. Cette tension se retrouve également dans la série photographique que l’artiste réalise un an auparavant : Car (1998). Bodybuilders (I et II) représentent une fascinante étude de la corporalité et de son potentiel de métamorphose extrême orienté vers l’autoréification par la pratique sportive extrême. Conformément au film de science‑fiction en vogue, le corps semble être une machine à la force surhumaine. La série Car qui précède celle des culturistes, place la fascination pour les carrosseries accidentées comme étant prédécesseuse de l’intérêt de Belin pour les corps hors normes de ces sportifs. Les corps, autant que les voitures, sont capturées sous un éclairage qui révèle leur conception esthétique, ils sont magnifiés au‑delà de leur fonctionnalité utilitaire et sont chacun à leurs manières, deux véhicules de l’être au monde. La photographie de Belin révèle ainsi les voitures comme des icônes de la culture matérielle qui, une fois la puissance poussée à l’extrême, deviennent des carcasses d’acier quasi abstraites. Une analogie pourrait être réalisée avec le culturisme qui peut risquer de perdre le contrôle sur son propre corps, dont l’abus de stéroïdes par exemple pourrait représenter un danger pour sa santé tant physique que psychologique (Borgeat, Gomes, 2010, 8‑16). Belin utilise la photographie pour questionner la relation entre le réel et sa représentation. Les bodybuilders, bien qu’extrêmement réels dans leur expression de force et de détermination, sont rendus presque irréels par le biais du médium artistique, leur humanité est à la fois soulignée et effacée. Les voitures, bien que symboles du progrès et de la mobilité, sont immortalisées dans une stase qui élève leur forme au rang d’objet d’art, une transformation comparable est opérée avec le corps humain qu’elle décontextualise de la pratique sportive pour en faire un sujet artistique. Chacune des séries met en lumière notre tendance à transformer le fonctionnel en fétiche et le naturel en spectacle. La froideur apparente de son approche, loin de nuire à l’impact de son travail, accentue son pouvoir polysémique de la représentation artistique.
Dans les séries Bodybuilders I et Bodybuilders II, la peau des culturistes n’est pas simplement un objet passif de représentation, mais elle est activement façonnée par l’objectif de la photographe. Les choix esthétiques, les angles de vue et les traitements de postproduction contribuent à créer des images qui transcendent la réalité physique pour devenir des œuvres d’art à part entière. Arnaud Maillet rappelle ainsi l’impact des imageries qui gagnent en importance à la fin du XXe siècle, la médiatisation du corps formate un nouvel idéal corporel social qui impacte la pratique même du sport :
« À partir des années 1980, sous l’effet de la vogue pour le culturisme et sa diffusion à l’échelle mondiale, le cinéma commença à généraliser la diffusion de l’image du sportif à la musculature de plus en plus hypertrophiée. Pourtant, si l’on observe les athlètes dans différents sports au même moment, il s’agissait manifestement d’un cliché, c’est‑à‑dire d’un type d’image de masse qui induit un comportement conformiste au service de la reproduction de l’ordre social, propagé grâce à la presse, au cinéma, à la télévision ou au réseau informatique mondial. […] Ce lieu commun fut si solidement ancré et tenace, particulièrement en Occident que, au cours des années 1990, bien des athlètes professionnels dans de nombreuses disciplines sportives furent amenés à augmenter leur musculature, quitte à limiter leur progression dans les sports qui demandent finesse, souplesse ou habileté. Cette puissance de formatage du cliché ressorti d’une appropriation culturelle effectuée par l’idéologie capitaliste, particulièrement dans ses formes ultralibérale et néolibérale, qui s’enracine dans une culture visuelle recyclant et revisitant de fond en comble des représentations héritées de l’Antiquité » (Maillet, 2021, n.p.)
Le travail artistique de Valérie Belin se distingue de ce type d’imagerie en cela qu’elle documente de manière précise et minutieuse les altérations tégumentaires résultant de la pratique sportive intensive. Le corps est photographié avec une précision quasi clinique. En effet,
« Depuis ses débuts, le travail de Belin est toujours traversé de fortes tensions. Il se construit autour de couples d’oppositions : corps ou objet, fixe ou animé, naturel ou artificiel. Les discours sur son travail semblent d’ailleurs traversés d’appréciations apparemment contradictoires : sa démarche serait à la fois documentaire et plasticienne, ses images en même temps plates et sculpturales, son œuvre relèveraient autant de la rigueur minimaliste que de la prolifération baroque. […] Belin apprécie cultiver cette ambigüité en tous points de vue. Elle aime d’ailleurs elle‑même employer des expressions paradoxales comme « sombre clarté » ou « parfaite imperfection ». » (Sanderson, 2018, 29‑30)
Après la prise de vue, Valérie Belin utilise des traitements de postproduction pour façonner davantage la représentation de la peau des culturistes. Ces traitements comprennent souvent des ajustements de contraste, de luminosité et de netteté. Ils peuvent également inclure des retouches pour mettre en évidence certaines caractéristiques ou minimiser les imperfections. Ces manipulations contribuent à créer des images qui transcendent la réalité physique pour devenir des œuvres d’art à part entière. La peau des culturistes devient, ainsi, une matière plastique, une surface sur lesquelles s’expriment la créativité de la photographe et son interprétation artistique. La peau des culturistes devient alors un paysage visuel où se mêlent les traces du travail acharné tant du sportif que de l’artiste. Par ailleurs, lors de la seconde moitié du XXe siècle, le sport et l’art qui étaient jusqu’alors régulièrement complices divorcent peu à peu, avec d’un côté les critiques attachés à ce que l’imagerie reflète des valeurs républicaines du sport, et ceux qui réclament une liberté créative qui irait jusqu’à pouvant transformer le corps en une abstraction (Loudcher, 2021, n.p.).
« En parallèle [de cette séparation sport/art], le sport lui‑même se transforme. La médiatisation, des journaux aux reportages télévisuels des années 1960 en passant par la TSF de l’entre‑deux‑guerres, transforme le sportif en un nouvel héros, sinon héraut, d’une société du spectacle qui isole et sépare peut‑être autant qu’il réunit. Les représentations du sport changent. Finalement, si art et sport ont sans aucun doute des relations, c’est probablement à travers l’étude de leurs représentations, notamment des sportifs et des corps, qu’elles peuvent être le mieux analysées. » (Loudcher, 2021, n.p)
Christine Roth, série Female Bodybuilders de Martin Schoeller, 2004
https://martinschoeller.com/Christine-Roth
De nombreux artistes photographes se sont également intéressés au culturisme. Dans la série Female Bodybuilders (2008), Martin Schoeller a réalisé une série de portraits rapprochés de bodybuilders, mettant en évidence chaque détail de leur peau et de leur musculature. En mettant l’accent notamment sur la distinction de couleurs de la peau du visage et du corps, l’artificialité du maquillage, des culturistes féminines, cette série rappelle davantage ce qu’Yves Michaud rapproche d’un Bodybuilder qui cherche à repousser les limites de l’humanité (Michaud, 2006, 441). Comme le remarque Johanna Mizgala,
« Dans les portraits de Schoeller, leurs corps étant montrés apparemment au repos, plutôt que dans les habituelles positions de concours où leurs muscles sont fléchis, ces femmes paraissent tantôt légèrement mal à l’aise, tantôt vaguement sur la défensive par rapport aux idées préconçues qu’elles doivent affronter, aussi bien dans le cadre de leur vocation que de la part du monde extérieur » (Mizgala, 2011, 43).
En effet, les portraits de Valérie Belin se distinguent par leur esthétique plus globale et leur mise en scène dynamique qui confronte les codes des concours de culturisme en faisant appel à leurs registres de pose, mais qui s’en distinguent également en ajoutant tant des accessoires tels que les peluches dans Sans titre [#1] de la série Bodybuilders II.
« Les 25 photographies des Female Bodybuilders, cadrées au‑dessous de l’abdomen, de manière frontale et sur fond neutre (blanc), présentent les championnes coiffées, maquillées, tannées et vêtues de leur maillot deux‑pièces de compétition. La plupart d’entre elles portent des boucles d’oreilles, qui rappellent la parure de leurs maillots scintillants. Ce qui, d’emblée, frappe, ce sont les muscles saillants, la musculature puissante de ces modèles.
Le cadrage serré, d’une part, et le plan coupé au niveau de la sangle abdominale ou au‑dessous des pectoraux, de l’autre, produisent un décalage avec les clichés officiels des championnats : les critères de jugement – harmonie des proportions du corps, symétrie, qualité de la masse musculaire, volume – ne peuvent en effet plus s’appliquer. Nous sommes proches ici de photographies d’identité, dont le format aurait été infiniment agrandi, chacune s’imposant en effet par une superficie de plus de 2 m2. Ainsi, nous passons d’une logique d’exhibition, celle de la sphère publique des championnats, à une logique de l’intime, celle de la sphère privée et de l’individualité. Une intimité qui, donc, s’exhibe. Une mesure étant, d’après le dictionnaire, une disposition modérée, nous pouvons parler, dans le cas présent, de « dé‑mesure », de disposition impliquant une évasion de l’ordinaire vers l’extraordinaire. Première démesure de l’artiste, donc. » (Bilot, 2014,15)
Les photographies de Belin sont de taille plus modeste de 161 x 125 cm et de 100 x 80 cm, selon une échelle plus humaine. Elle refuse l’objectification de la mise en scène de type « photographie d’identité » en lui préférant plutôt une objectification relative au travail de la peau des culturistes qu’elle participe à rendre si sculpturale.
« Sculpter le corps de l’intérieur implique une véritable fétichisation anatomique, laquelle s’opère par fragmentation corporelle. La chair est ferme, le ventre haut, la proéminence abdominale et le tracé des pectoraux focalisent l’attention. Il faut dire que le travail de modelage du torse, grâce aux exercices ciblés – développé‑couché, incliné ou décliné, écarté‑couché, Butterfly, etc. –, entraîne un brûlage extrême des tissus graisseux, conférant par ailleurs au galbe féminin atrophié l’aspect de cicatrices. » (Bilot, 2014, 16‑17)
Belin qui éprouve une fascination pour la réversibilité sujet/objet présente au sein de toutes ses séries photographiques jusqu’à aujourd’hui propose alors une stylisation du corps décontextualisé et photographié en pied dans la série Bodybuilders II, et dont le tissu du maillot des Bodybuilders I se fait dans les nuances de noirs des ombres de la peau. Les culturistes dans cette première série sont des êtres asexués, mais dont la puissance semble à la limite de l’abstraction corporelle dont la peau semble d’acier.
Le photographe Robert Mapplethorpe s’est passionné pour le corps à la fois viril et féminin de la culturiste Lisa Lyon. Dans ses séries
« […] la lumière artificielle, diffuse, estompe les éventuelles irrégularités de la peau, qui en trahiraient la composition organique, et donne l’impression d’une chair lisse comme le marbre. Enfin, les procédés de mise en scène dans certaines images créent l’illusion de membres manquants, comme ceux parfois brisés des sculptures. » (Bieth, 2020, 211)
L’héritage d’un idéal de beauté inspiré des corps utopiques des sportifs antiques ou des statues anciennes est à la fois présent dans le choix des poses que dans la mise en scène photographique. Tout comme Valérie Belin, Mapplethorpe utilise le noir et blanc pour créer des images qui célèbrent la beauté et la puissance du corps musclé. Toutefois, ses photographies ont souvent une esthétique plus sensuelle et érotique. Valérie Belin se distingue par une approche plus conceptuelle et moins centrée sur la sexualité, se concentrant davantage sur la peau en tant que matière plastique.
Même si Belin ne recourt pas à l’érotisme, elle transforme néanmoins le culturiste en objet de désir. Ses poses, ses contrastes et ses jeux de lumière vont au‑delà de la simple photographie documentaire. Les culturistes ne sont pas seulement des sujets, mais des objets d’art, des sculptures vivantes façonnées par la photographie.
« Le pouvoir de l’image fixe exacerbe la façon directe, épurée, qu’a l’artiste de montrer les sujets tels qu’ils se sont minutieusement construits, altérés, comme objets – objets de désir. Le détournement de leur apparence physique signe leur rapport ambivalent à la réalité : où se situe la frontière entre la vie et l’inanimé ? Cette œuvre est une mise en abîme de la question des semblants et de l’altérité : un jeu de miroir entre le réel et son double. » (Matet, 2013, 156)
Selon Kinnunen, l’objectif du bodybuilding serait ainsi une quête identitaire par l’autosculpture de ses praticiens que la photographie, en tant que média de masse, tant à normativiser (Kinnunen, 2004, 320). Le corps humain, en particulier dans le contexte du sport, est souvent considéré comme une toile sur laquelle sont inscrites les valeurs et les croyances d’une société donnée. La peau des culturistes photographiée par Belin, avec les veines saillantes et les muscles sculptés, devient le reflet de la discipline extrême.
Valérie Belin, Sans titre [#5],
série Bodybuilders II, 1999
https://valeriebelin.com/wp-content/uploads/2017/12/000214.jpg
Comme l’explique Adam Locks, à travers différentes périodes de l’histoire, le corps masculin musclé a été célébré et représenté dans l’art, de la Grèce antique et la Renaissance jusqu’à l’époque contemporaine. Aujourd’hui, ces représentations sont omniprésentes dans les médias, comme les magazines, la télévision, le cinéma, internet, et les publicités, incarnant ce que l’on appelle l’idéal « mésomorphe » : un homme à la silhouette élancée et à la musculature bien définie souvent associée à la santé et à l’exercice (Locks, 2012, 166). L’envie d’atteindre cette apparence n’est pas seulement une question de santé, mais est aussi motivée par ce qu’elle symbolise, notamment le sex‑appeal, l’autodiscipline et le succès personnel. Ces désirs ne sont pas nouveaux ; le corps a souvent été utilisé pour des objectifs sociaux et culturels, comme le montre l’utilisation de l’image de l’homme musclé dans la propagande nazie. La Renaissance a consolidé l’image de l’homme musclé, ces représentations étaient liées à des valeurs d’individualisme, de mobilité et de compétitivité, qui étaient considérées comme caractéristiques de la masculinité (Locks, 2012, 166). Dans Sans titre [#5] (série Bodybuilders II), un homme seulement vêtu d’un maillot et d’une casquette est photographié en pied, il tient un prix dont la forme reprend le contrapposto de la statue antique Hercule Farnèse. La dynamique photographique dans cette image repose sur la juxtaposition directe de la musculature extrême de l’homme avec la sculpture classique qu’il tient. Cette juxtaposition visuelle souligne l’objectivation de son corps, le transformant en une représentation vivante de la sculpture classique, un objet d’art parfait et idéalisé. Le noir et blanc accentue la qualité presque marbrée de sa peau, renforçant la comparaison, comme s’il était une auto‑Galatée qui se serait façonnée sans l’aide de son Pygmalion. Le noir et blanc renvoie également à l’ancienneté du médium photographique et accentue l’empreinte du passé sur la pratique sportive que Guillaume Vallet analyse au sein de son article « L’imaginaire collectif du bodybuilding : un recours au passé ? ». Il remarque notamment que « les pratiquants paraissent mobiliser à leur échelle un imaginaire collectif empruntant au passé, marqué par des références à des gestes, des postures, des techniques d’entraînement, des légendes, des mythes et des discours spécifiques qui mettent en valeur un ordre traditionnel. » (Vallet, 2013, 49). Il ajoute que les culturistes modernes aspirent à reproduire ces physiques parfaits, souvent en adoptant des poses qui rappellent celles des statues antiques, dans une quête non seulement de perfection esthétique, mais aussi de vertu et de discipline, reflétant l’ancienne croyance en une correspondance entre un corps sain et une âme noble. Cette admiration est renforcée dans des contextes modernes comme les compétitions, où des références visuelles à l’Antiquité soulignent la continuité de ces idéaux (Vallet, 2013, 54). Cependant, contrairement aux photographies de Lyon réalisées par Mapplethorpe, l’œuvre Sans titre [#5] (série Bodybuilders II) de Belin possède un accessoire qui modernise la représentation : la casquette sur la tête du culturiste et l’amplification des détails de la peau rappellent le caractère humain du modèle. Le sourire et la désignation de l’Hercule montrent un sentiment de joie et de fierté face à cet objectif corporel enfin atteint. Le bodybuilder est son propre objet de désir. Comme le signale Sharif Bey les bodybuilders développent leur physique selon des critères esthétiques bien précis qu’ils acquièrent par une observation attentive et une étude approfondie des corps, à travers la pratique de la pose et la participation à des discussions sur les standards de beauté et de forme physique (Bey, 2014, 32). Les bodybuilders sont tels des sculpteurs, travaillant méticuleusement leur apparence physique en réponse à un ensemble de références visuelles, comme leur propre reflet, d’autres pratiquants, les représentations de la forme physique dans les médias, les magazines de fitness, ou les publicités (et, nous pouvons ajouter, par l’entremise de photographies artistiques et amatrices telles que celles postées sur les réseaux sociaux). Pour atteindre leurs idéaux esthétiques, ils se livrent à des entraînements intensifs, utilisant des poids et d’autres exercices pour façonner leur corps et faire ressortir leur musculature à la manière de sculptures antiques (Bey, 2014, 32). Mais en plus d’être les sculpteurs de leur propre corps, les culturistes sont également leur propre « sculpture vivante ».
Bien que la pratique du tableau vivant puisse remonter aux attitudes d’Emma Hamilton au XVIIIe siècle, le concept de la « sculpture vivante » dans l’art postmoderne fut popularisé par des artistes comme Gilbert et George qui se sont autoproclamés comme tels à partir de la fin des années 1960 (Locks, 2012, 170). Le corps athlétique s’inscrit ainsi dans une longue tradition artistique sculpturale et performative. Cette tradition inclut le bodybuilding, qui exhibe la musculature en spectacle public dès les années 1880. Dans son article « Flayed Animals in an Abattoir. The Bodybuilder as Body‑Garde », Adam Lock explique que ces sportifs étaient rémunérés pour adopter des poses qui évoquaient l’art de la Grèce antique, connues sous le nom de « statuaire vivante » (Locks, 2012, 170). Il rappelle que le critique d’art James Hall mentionne que la fin du XIXe siècle a connu une vague de « statuemania » avec la production de nombreuses statues publiques héroïques. Cette tendance a par la suite été remplacée après la Seconde Guerre mondiale par un mouvement vers les monuments abstraits. Selon Lock, l’art figuratif contemporain a pris une nouvelle forme dans le bodybuilding, ou « sculpture corporelle », terme utilisé dans les gymnases pour décrire le processus de musculation qui est souvent comparé au travail d’un sculpteur créant son propre corps. Bien que nombreux artistes photographes se soient intéressés au culturisme, peu de recherches académiques en histoire de l’art ou en études des arts se sont réellement penchées sur sa représentation. Comme le signale Lock, malgré que cette pratique sportive soit intrinsèquement liée à l’art, nombreux critiques rejettent l’idée de la considérer comme telle (Locks, 2012, 166). Par cet article, nous espérons parvenir à mettre de l’avant l’intérêt significatif de considérer l’interdisciplinarité pour envisager le traitement de la peau des culturistes. Concernant les photographies de Belin, Léonor Matet écrit que
« L’artiste saisit en un instantané la jouissance de la perfection, addictive et sans fin, de ces sujets qui accumulent les manipulations sur leur corps et acquièrent de façon compulsive de nouveaux objets, tels les collectionneurs. Ici, ces objets sont des morceaux de corps : nez, paupières, muscles, bras, jambes, et toute autre partie du corps. Les sujets des photographies sont pris à leur propre piège de contrôle absolu de l’apparence et deviennent les marionnettes d’une extrême quête de perfection, que Valérie Belin sublime. » (Matet, 2013, 157)
Si le découpage peut s’appliquer à Bodybuilders I, cette analyse trouve ses limites face à Bodybuilders II où les corps sont systématiquement photographiés en pieds, et dont les sourires, les rires, les regards fiers, les prix remportés et accessoires portés semblent davantage mettre en avant le plaisir de la monstration du corps. Il est vrai malgré tout qu’une réification opère dans la luisance d’une peau qui brille autant qu’une carrosserie neuve et dont la recherche de perfection se cristallise au sein d’une symétrie de la chair. Tout en la complexité et en contradiction, la peau dans le travail de Belin est tantôt humaine, tantôt héroïque, tantôt faire d’acier, tantôt de verre, mais est dans tous les cas une chair plein de fierté.
Les séries photographiques Bodybuilders I et Bodybuilders II de Valérie Belin invitent à une réflexion sur la représentation de la peau dans le contexte du culturisme, en tant que médium de métamorphose et d’expression de la corporéité humaine. Elle plonge les regardeurs dans un monde de contradictions et de complexités, où la peau devient le reflet de la dualité de l’expérience humaine. La photographe offre une vision renouvelée du corps bodybuildé, le capturant dans sa matérialité et sa symbolique. La lumière, le noir et blanc, la mise en scène, les poses, le fond blanc qui décontextualise les corps… transforment la peau en une narration visuelle de force, de détermination, et aussi de vulnérabilité. Ces images interpellent le spectateur, le poussant à considérer la peau non seulement comme une frontière corporelle, mais comme un espace de projection identitaire et émotionnelle. Le culturisme, articulé à travers les photographies de Belin, transcende ainsi son essence sportive pour s’inscrire dans une tradition artistique qui remonte à l’Antiquité. Ces corps sculptés et mis en lumière offrent une résonance contemporaine avec les sculptures classiques, insistant sur la perpétuation d’un idéal esthétique à travers les siècles. La photographie devient un outil d’exaltation et de critique, révélant la quête incessante de perfection corporelle et la réification du corps dans la société moderne. Au‑delà de la simple réification, les photographies de Belin expriment la complexité de la condition humaine, la peau devenant le témoin des sacrifices et des triomphes du culturiste. Ce travail suggère finalement que la représentation de la peau dans l’art photographique peut enrichir notre compréhension de la pratique sportive et élever le culturisme au rang d’une discipline esthétique et culturelle à part entière. En guise d’ouverture, ces photographies présentées en 1999 pourraient être comparées aux pratiques actuelles d’exhibition du corps sur Instagram par les sexiness qui revendiquent une mise à nue totale de leur peau ou le port de vêtements si moulants qu’il laisse entrevoir toutes les courbes du corps sur les réseaux sociaux à titre de symbole culturel sportif de séduction et de confiance en soi (Zaoré‑Vanié, 2022, 136 ; Wellman, 2020, 10). Comme l’explique Guillaume Vallet (2022, 37‑43) les réseaux sociaux promeuvent l’image d’un corps‑marchandise qui, par l’entremise des récits (commentaires, descriptifs des images ou vidéos, ajouts de textes ou de paroles…) entrelace une philosophie du corps réifié à « l’histoire de vie du sportif » (Vallet, 2022, 42). Ces représentations actuelles diffusées sur les réseaux sociaux participent à l’inscription du culturisme dans un système économique capitalisme. En effet, l’auto‑promotion du corps et la promotion réalisée par les comptes officiels des compagnies telles que de Perfect Body France, implique des interactions entre les images des culturistes et les commentaires des internautes qui standardisent la représentation. Ces images sont généralement des monstrations du corps mis en scène ou des transformations montrant les bienfaits de l’activité physique, des recettes, des messages motivants pour encourager les internautes à se mettre à la pratique sportive, et des goodies à gagner (González Cabrera, 2010, 77). Néanmoins, les influenceurs ne sont pas toujours perçus d’un bon œil par les entraineurs ou même par certains culturistes. Ceux‑ci peuvent être appréhendés comme des personnes inauthentiques dont l’objectif est seulement de vendre des programmes sportifs en oubliant l’intérêt personnel et intime de cette pratique (Wellman, 2020, 8). Les objectifs de la photographie exposée sur les réseaux sociaux ne sont pas similaires à ceux de la photographie artistique. Là où Belin propose une imagerie complexe par la peau qu’elle travaille visuellement comme une glaise à modeler, les influenceurs et internautes place l’intérêt pour la peau souvent au second plan, au profit de la musculature en développement.
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